Les coopératives se lancent dans le grand photovoltaïque

Les coopératives éoliennes commencent à diversifier leurs projets. Champs d’Energie a ainsi financé une installation photovoltaïque de 100 kWc à Fernelmont. Une formule qui pourrait se développer.

Basée à Fernelmont, la coopérative Champs d’Energie a été créée en 2013 pour suivre des projets éoliens participatifs dans la région namuroise.

En partenariat avec les coopératives HesbEnergie et Nosse Moulin, elle exploitera une éolienne du parc de Fernelmont2 (permis octroyé, vous pouvez rejoindre l’appel à souscription). Mais, étonnamment, la première production d’électricité sera… photovoltaïque ! En effet, la coopérative a financé en tiers-investissement une installation de 100 kWc sur le toit d’une cuisine collective à Fernelmont qui fournit des repas (partiellement bio) aux écoles de la région. L’installation, développée par Enersol, tourne depuis le 3 juillet 2017 (photo ci-dessus).

Des coopératives financent déjà des projets photovoltaïques chez les particuliers (lire notamment notre article COOPEM : favoriser l’accès au photovoltaïque pour les citoyens et les entreprises ) ou sur les toits communaux (lire notre article Du tiers-investissement photovoltaïque sur les toitures communales).

Mais investir dans de grandes installations solaires, c’est nouveau et c’est intéressant si le projet  atteint un niveau élevé d’autoconsommation. Rencontre avec Roger Bourgeois, administrateur délégué de Champs d’Energie.

Christophe Haveaux (Renouvelle) : Comment est né ce projet photovoltaïque au sein de votre coopérative, jusqu’ici active dans l’éolien ?

Roger Bourgeois (Champs d’Energie) : Fin 2016, nous disposions d’un peu de fonds mais aucun projet concret à proposer à nos coopérateurs. Notre projet éolien de Fernelmont était à l’époque en recours. Nous nous sommes dit qu’il fallait se reporter vers un autre projet, plus petit.

Nous avons proposé à nos coopérateurs de financer des installations photovoltaïques sur leurs toits mais nous n’avons pas reçu beaucoup de réponses positives. Même constat dans un habitat groupé, où les occupants n’étaient pas prêts à s’équiper.

Nous avons alors rencontré Enersol lors d’un colloque interrégional en janvier 2017. Cet installateur s’intéressait aux coopératives comme partenaires potentiels de tiers-investissement dans le photovoltaïque. Il nous a proposé de financer une installation de 350 kWc sur une entreprise sociale à Charleroi. Mais c’était en dehors de notre zone d’action. Ce projet a finalement été financé par la coopérative Emission Zéro.

Enersol nous a ensuite proposé d’être partenaire d’un projet d’équipement d’une cuisine collective à Fernelmont : La Cuisine des champs. Il s’agissait d’un projet de 100 kWc soit environ 120.000€ d’investissement. C’était local et dans nos cordes. Nous avons accepté.

C.H. : Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

R.B. : Une cuisine collective, c’est idéal car ¾ de la production photovoltaïque est consommée en journée, quand les fours sont allumés. Il n’y a que les frigos qui fonctionnent aussi le soir et les week-ends. La Cuisine des champs cherchait à s’équiper en photovoltaïque mais ne pouvait pas investir car elle remboursait déjà un emprunt conséquent. De plus, elle avait reçu le Prix du Développement Durable de la Province de Namur, ce qui la motivait à agir.

C.H. : En quoi consistait le partenariat ?

R.B. : Nous avons financé l’installation photovoltaïque et signé un acte notarié qui précise que la coopérative dispose pendant dix ans d’un droit de superficie sur la toiture pour y installer un système photovoltaïque. En contrepartie, nous recevons les certificats verts et la Cuisine des champs nous paie une redevance de 4.000€ par an pendant 10 ans. Sur cette période, la cuisine réduira fortement sa facture électrique au prorata de la production électrique photovoltaïque et rachètera ensuite l’installation pour le prix symbolique de 100€. Après 10 ans, elle bénéficiera donc d’une électricité quasi gratuite.

De notre côté, nous devons prévoir le bon fonctionnement et l’entretien des panneaux, payer la redevance à la CWaPE et assurer l’installation.

La Cuisine des champs et son installation photovoltaïque se trouve face au parc éolien de Fernelmont. Elle donne de la visibilité aux projets de la coopérative Champs d’Energie.

C.H. : Ce type de projet est-il facilement reproductible ?

R.B. : Oui, je pense. Mais comme le nombre de certificats verts a diminué en Wallonie – de 2,4 à 1,5 par MWh -, la coopérative devra demander une redevance un peu plus élevée afin de maintenir une rentabilité convenable de 6%. Mais cela reste intéressant pour les porteurs de projets qui ne disposent pas des fonds pour investir. Nous envisageons du grand photovoltaïque sur un moulin et sur une brasserie locale. Nous sommes aussi contactés par d’autres coopératives qui souhaitent développer des projets similaires.

C.H. : Vous avez fait appel à l’épargne publique via le mécanisme de tax shelter, qui accorde durant 4 ans la déductibilité fiscale pour les parts de coopératives reconnues. Cette opération a-t-elle été bénéfique ?

R.B. : Certainement. En trois ans, nous avons récolté 250.000€ de parts, soit le plafond maximum. Mais cet argent ne peut pas être prêté ou investi dans une autre société. Or nous créons des sociétés d’exploitation pour gérer nos parcs éoliens. Nous ne pouvions pas utiliser ces fonds pour l’éolien. Par contre, nous pouvions les utiliser pour des projets propres à la coopérative. C’est ce qui nous a motivé aussi à investir dans le photovoltaïque.

C.H. : Le choix de la Cuisine des champs visait-il aussi à sensibiliser les parents des écoles fournies en repas ?

R.B. : Pas au départ. Mais on va faire une réunion dans une des écoles de Fernelmont pour expliquer notre projet éolien aux riverains. Et on présentera aussi notre installation photovoltaïque. Cela nous donne une visibilité concrète dans la commune.