Le transport aérien consomme 7% de la production mondiale de pétrole. Ce secteur est responsable de 5% du réchauffement climatique. Mais il bénéficie d’avantages fiscaux plantureux. Le G7, l'AIE et l'OCDE s’engagent à réduire les aides aux énergies fossiles, mais il ne faudrait pas oublier de s’attaquer au transport aérien.
Vous avez peut-être déjà consulté le site Flightradar24 qui localise en temps réel tous les avions civils à travers le monde (voir image ci-dessus). Tout simplement impressionnant de voir ces dizaines de milliers d’avions qui occupent notre ciel, particulièrement concentré sur l’Europe, le nord de l’Amérique et l’Asie du sud-Est. Cette image confirme la responsabilité prépondérante des économies occidentales dans leur contribution au réchauffement climatique planétaire.
7% de la production mondiale de pétrole
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) constate, année après année, une augmentation de la consommation de carburant dans le transport aérien. Dans son bilan mondial 2013, le transport aérien international et domestique atteint une consommation annuelle de 267 Mtep soit 11% de la consommation énergétique de l’ensemble du transport mondial (terrestre, aérien et maritime). Le transport aérien consomme ainsi 7% de la production mondiale de pétrole et la tendance de ces dernières années est à la hausse. Il est aussi interpellant de constater les importantes quantités consommées par le fret maritime mondial qui était de 241 Mtep en 2013.
A lui seul, le transport aérien est responsable de 5 % du réchauffement climatique, comme le rappelle le Réseau Action Climat en France. Sur base des statistiques internationales de 2014, Nicolas Lowyck dans La libre recensait que chaque jour, dans le monde, 102 000 avions prennent les airs pour transporter quotidiennement 8,5 millions de passagers via 17 700 aéroports commerciaux.
Sur l’ensemble de ces vols, la consommation de kérosène est en moyenne de 3 000 litres – sachant qu’un vol long courrier traversant l’océan Atlantique peut à lui seul consommer 250 000 litres !
Un régime fiscal favorable
Pourtant, malgré son impact climatique, le secteur aérien bénéficie d’un régime de faveur.
Premièrement, le transport aérien international échappe à toute taxe sur les carburants – depuis la « Convention de Chicago » de 1944 – et les vols domestiques sont généralement soumis à un régime fiscal bien en deçà des impositions des autres modes de transport.
Deuxièmement, l’achat de billets est exonéré de TVA. Troisièmement, les compagnies aériennes bénéficient d’aides publiques dans les investissements et le maintien d’infrastructures aéroportuaires.
Enfin, seuls 25% des vols européens sont soumis au système de quotas d’émissions de CO2 ; tandis que le niveau de prix de la tonne de Carbone est trop bas : « 7 euros la tonne de CO2 actuellement (NDLR avril 2015), au lieu des 30 euros espérés lors du lancement du mécanisme » expliquait Mark Looman (SPF Santé publique) dans notre interview (lire Une nouvelle vie pour le marché européen du carbone ?). En avril 2016, le prix de la tonne de CO2 était de 5 €, cela représente un coût de 45 € pour un vol moyen (3 000 l) ou encore 0,2 € par siège : dérisoire face aux coûts des dégâts climatiques !
Fig. : Evolution du prix de la tonne équivalente CO2 sur le marché européen des quotas d’émissions entre 2008 et 2013. Calculons l’impact de la taxe CO2 sur le prix du carburant : La combustion de 320 à 360 litres de pétrole émet environ une tonne de CO2. Au coût de 5 €/tCO2, l’impact sur le prix du kerosène est de 1,5 c€/l. Source : conférence » L’€nergie coûte que coûte ! «
Dans le viseur international ?
En mai dernier, le G7 plaidait pour la fin des subsides aux énergies fossiles d’ici 2025. Par ailleurs, l’OCDE – qui dresse chaque année l’inventaire des mesures de soutien pour les combustibles fossiles – souligne les problèmes engendrés par ces subventions dans le contexte plus large des efforts politiques menés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans l’émission Cash investigation, Nicolas Hulot mentionnait récemment que le montant annuel des exonérations, des défiscalisations et autres avantages d’Etats accordés aux énergies fossiles représentaient 650 milliards de $. Un chiffre à mettre en comparaison avec les 4 000 milliards de $ que coûtent à la société les externalités liées à la production et consommation d’énergies fossiles.
Dans ce contexte, ira-t-on jusqu’à remettre en question le régime de défiscalisation de 1944 dont bénéficie le transport aérien international ? Ainsi que la défiscalisation des carburants du fret maritime international ?
Pour respecter l’Accord de Paris et maintenir le réchauffement climatique sous le seuil de 2°C, il est urgent de mettre en œuvre les bonnes mesures, c-à-d celles qui sont réellement efficaces pour réduire les émissions de CO2 ou qui permettent de financer l’action climatique. Supprimer la défiscalisation dont bénéficie le transport aérien est un impératif pour ralentir ce développement pléthorique du transport aérien. Cela permettrait également de ramener des moyens financiers aux politiques climatiques pour une autre mobilité. A titre d’illustration, appliquer au kérosène une fiscalité internationale équivalente à celle appliquée à l’essence en Belgique, cela représenterait à l’échelle mondiale un montant de 190 milliards d’€ par an. Quand on y pense…