Le stockage au service du réseau : Quel rôle pour les GRD?

Les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) s’intéressent désormais aux opportunités ouvertes par le stockage d’électricité : alternative aux renforcements du réseau, gestion des pointes voire commercialisation des capacités excédentaires. Un changement de métier ?

Le 5 octobre dernier, lors d’une journée d’étude organisée par l’Association des Ingénieurs de Montefiore (AIM), des professionnels débattaient de la transition énergétique et des opportunités ouvertes par le stockage de l’électricité.

Le rôle clé du stockage dans la transition énergétique en cours n’échappe plus à personne. Et certains acteurs, comme les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) – qui s’étaient un temps cantonnés à un rôle de spectateurs intéressés –, regardent désormais la question d’un autre œil. Au point d’envisager d’entrer dans la danse ?

Une alternative au renforcement du réseau

Qu’est-ce que le stockage peut apporter concrètement à un gestionnaire de réseau ? Comment ce dernier peut-il (doit-il ?) se positionner dans ce nouveau contexte tout en restant dans le cadre très réglementé du marché de l’électricité ?

Pour David Vangulick, qui s’exprimait au nom d’ORES, principal GRD en Wallonie, la réponse ne semblait faire aucun doute. Selon lui, le stockage est appelé à jouer un rôle déterminant dans le développement futur du réseau et peut bel et bien apporter une alternative aux investissements traditionnels – tels que les renforcements de lignes – à charge du gestionnaire de réseau.  Et il n’a aucun mal à en faire la démonstration tant au niveau du réseau basse tension qu’à celui de la moyenne tension.

Lutter contre les pointes intempestives à moindre coût

Au cœur de la question : les variations de puissance, imputables notamment à la production décentralisée (mais pas que ; les périodes de consommation sont aussi très variables) et qui mettent de plus en plus en péril la qualité de la tension sur le réseau.

Ces pics et ces creux qui se multiplient dans les profils de charge invitent le GRD soit à investir dans le renforcement de son réseau, soit à payer Elia – le gestionnaire de transport (GRT) – pour la gestion des pointes intempestives. Une situation que le GRD pourrait parfaitement éviter via une ou plusieurs unités de stockage stratégiquement positionnées dans le réseau concerné. Ces unités se chargeraient de stocker automatiquement l’énergie excédentaire ou de fournir l’électricité manquante de sorte à lisser les pointes à payer à Elia et à rester en permanence dans une plage optimale de contrôle de son réseau. Une façon aussi pour le GRD d’anticiper, via le stockage, les variations de charge au lieu de se contenter de « faire le marché ».


Unités de stockage chimique de l’électricité.

Le pas de trop ?

D’où la tentation de pousser le bouchon un peu plus loin en commercialisant les capacités excédentaires éventuellement générées par ce biais au sein du réseau.  En les mettant à disposition d’autres acteurs du marché comme par exemple l’un ou l’autre responsable d’équilibre (ARP).

Un pas plus loin qui pourrait être celui de trop. En effet, est-on encore bien dans le rôle dévolu à un gestionnaire de réseau ? Autour de cette question centrale, quelques Cassandres n’hésitaient pas à parler d’un cauchemar futur pour les régulateurs.

Transparence et pertinence

Selon le responsable d’ORES,  dès l’instant où il n’existe pas d’autres opérateurs de stockage proposant le même service à un prix plus compétitif, il n’y a pas lieu de s’alarmer. Le rôle du GRD ne consiste-t-il pas à distribuer l’électricité (ou le gaz) à un prix optimal ? Après tout, il n’est que le dépositaire et le gestionnaire de l’héritage collectif qu’est le réseau dont il est invité à pérenniser les infrastructures. S’il respecte les règles auxquelles il est tenu en termes de besoin, de volume et de coût, le stockage n’est alors pour lui qu’un outil supplémentaire pour faire le boulot dans l’intérêt de tous et du fonctionnement harmonieux du marché. A charge pour les investisseurs de venir avec des offres plus compétitives. Pour autant qu’ils ne soient pas doublement pénalisés à la charge (consommation des surplus électrique) et à la décharge (production électrique en cas de pointe de consommation). Comme c’est le cas aujourd’hui avec le cadre régulatoire actuel.

Un cadre régulatoire à adapter

Mais il est vrai que, s’il devait être appliqué à la lettre, le cadre régulatoire actuel donnerait bien des soucis aux régulateurs confrontés à ce type d’initiatives. Or, comme le souligne David Vangulick, s’agissant spécifiquement du stockage au sein du réseau, « les techniques sont prêtes, les équipementiers aussi et divers signes montrent clairement que le marché commence à s’ouvrir ». Et le besoin de service de stockage ne risque pas de diminuer avec les ambitions politiques d’intégration massive des sources renouvelables. Faciliter le stockage crédibilise cette ambition politique. Reste que les textes actuels ont bien du mal à s’adapter au rythme de la musique.