Le secteur européen du biogaz peut remplacer 20% de gaz russe d’ici 2030

Avec l’envolée du prix du gaz, le biogaz peut désormais concurrencer l’énergie fossile. La filière européenne du biogaz se positionne dès lors pour remplacer le gaz russe, tandis que le digestat peut réduire notre dépendance aux fertilisants de synthèse importés de Russie.

“Les prix du gaz se sont envolés, et nos certitudes avec ! Les prix du gaz ont augmenté de 1000% comparativement à l’année dernière. Et l’impossible devient alors possible : le biogaz peut maintenant concurrencer l’énergie fossile!”, s’enthousiasment Matthieu Schmitt et Philippe Taverniers, experts au sein de l’association wallonne ValBiom. 

A l’heure actuelle, le coût de production du biogaz est moitié moindre que celui du gaz naturel, et ce sans considérer aucun autre bénéfice que sa valeur énergétique inhérente. Mieux : il apporte une sécurité dans le temps, tant en volume qu’en coût, estiment-ils. 

Selon les prévisions à long terme, les prix du gaz et de l’électricité resteront probablement élevés et volatiles jusqu’en 2023 au moins. 

Ce contexte d’inflation, mais aussi la guerre en Ukraine et la volonté européenne de s’affranchir du gaz russe (40% de la consommation de gaz en Europe), poussent le secteur du biogaz à se positionner comme alternative rapide et pertinente au gaz naturel. 

Une opportunité inédite 

Afin de réduire sa dépendance au gaz russe, la Commission européenne a publié le 8 mars dernier la stratégie REPowerEU

Celle-ci vise à diversifier les approvisionnements en gaz, via : 

  • Une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et de gazoducs en provenance de fournisseurs non russes, et des volumes plus importants de production et d’importation de biométhane et d’hydrogène renouvelable ; 
     
  • Une réduction plus rapide de l’utilisation des combustibles fossiles dans nos maisons, nos bâtiments, notre industrie et notre système électrique, en augmentant l’efficacité énergétique, en augmentant les énergies renouvelables et l’électrification, et en s’attaquant aux goulots d’étranglement des infrastructures. 

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35 milliards de m3 d’ici 2030 

Pour l’Association européenne du biogaz (AEB), cette stratégie européenne constitue donc une opportunité décisive vers le développement rapide de l’industrie du biométhane en Europe.  

La fédération se dit ainsi prête à fournir 35 milliards de m3 de biogaz d’ici 2030 et ainsi remplacer 20% des importations de gaz russe. 

“L’Europe doit de toute urgence diversifier et réduire sa dépendance au gaz russe tout en renforçant son ambition pour les objectifs climatiques”, explique Harmen Dekker, directeur de l’AEB. 

“Le secteur est prêt à livrer les 35 milliards de mètres cubes d’ici 2030 proposés par l’Union Européenne et appelle à l’inclusion de cet objectif dans la refonte de la directive sur les énergies renouvelables (REDIII), actuellement en cours d’élaboration.” 

Une coopération étroite entre la Commission européenne, les États membres et la chaîne de valeur du biométhane sera nécessaire pour garantir une action immédiate.  

“Cet objectif de biométhane représente plus de 20 % des importations actuelles de gaz de l’Union européenne en provenance de Russie. D’ici 2050, ce potentiel peut tripler, augmenter de plus de 100 milliards de m3 et couvrir 30 à 50 % de la future demande de gaz de l’Union européenne.” 

“La réalisation de l’objectif présenté aujourd’hui nécessitera une étroite coopération public-privé pour attirer les investissements en capital. L’augmentation significative de la production de biométhane garantira une énergie abordable et durable pour les citoyens et soutiendra la résilience de l’économie de l’Union européenne”, conclut-il. 

Remplacer aussi les fertilisants de synthèse

Le grand public connaît la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe (40% de la consommation européenne de gaz). Mais elle s’avère aussi dépendante d’un autre produit importé de Russie : les fertilisants de synthèse, qui représentent 25% de notre consommation.

La filière européenne du biogaz se positionne dès lors aussi pour mieux valoriser le digestat – issus du processus de biométhanisation -, qui est substituable aux engrais de synthèse et dont les qualités agronomiques ne sont plus à démontrer.

Selon cette analyse de ValBiom, de nouvelles solutions laissent entrevoir la possibilité de centraliser, transporter et commercialiser le digestat c-à-d une production alternative de fertilisants et amendements organiques ou organo-minéraux.

Or un nouveau règlement européen sur les fertilisants entrera en application en juillet 2022 et devrait permettre la reconnaissance de ces digestats traités en tant que fertilisants officiels sous certaines conditions.

Une raison de plus pour soutenir la filière biogaz aux multiples externalités positives !