Le Maroc accélère sa transition : solaire à concentration, photovoltaïque, éolien, hydroélectricité, … Le pays qui accueillera la COP22 met en œuvre une stratégie ambitieuse. Qui intéresse la Belgique.
Dépourvu de pétrole et de gaz dans une région du monde qui en regorge, le Maroc ne pesait pas bien lourd jusqu’ici sur l’échiquier énergétique mondial. Seules ses ressources en phosphates lui donnaient indéniablement voix au chapitre sur le terrain du stockage – le phosphate étant un composé de base de certaines batteries rechargeables.
Et voici qu’en 2016, le Maroc fait irruption parmi les Etats les plus prometteurs de la transition énergétique. En effet, en février dernier fut inaugurée à Ouarzazate la première tranche de 160 MW électrique d’une méga centrale solaire à concentration. Ce projet, baptisée NOOR (« lumière », en arabe), fait appel à la technologie thermo-solaire (CSP) à capteurs cylindro-paraboliques, avec une capacité de stockage thermique prévue de 3 heures à pleine puissance (photo ci-dessous).
A terme, la centrale occupera une surface de 2.500 hectares et disposera d’une puissance totale de plus de 500 MW par la construction de deux unités supplémentaires. L’une d’elles suivra le concept de concentration solaire de type tour.
Le projet NOOR n’est pourtant qu’une première avancée. Le Maroc s’est fixé comme objectif de produire d’ici 2020 un cinquième de son électricité à partir de sources renouvelables, tout en augmentant le taux d’électrification de l’ensemble du pays. En 2020, la puissance électrique renouvelable atteindra 42% de la capacité électrique totale et 52% en 2030. Il s’agit de l’un des Plans Climat les plus ambitieux d’Afrique du Nord, qui prévoit d’ajouter d’ici 2030 d’autres capacités solaires (+ 4.560 MW), éoliennes (+4.200 MW) et hydraulique (+1.330 MW).
C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont motivé le choix de Marrakech pour la tenue de la COP22 en novembre 2016.
Une carte à jouer
Mais pour le royaume, c’est loin d’être une simple question d’image. Cela fait longtemps déjà que les autorités marocaines ont compris qu’elles avaient une carte stratégique à jouer sur le plan énergétique dans la région. Il s’agit à la fois d’échapper à une dépendance énergétique qui pèse lourd sur l’économie du royaume (94% de son énergie dépend de combustibles fossiles importés) et de constituer une tête de pont du renouvelable sur un continent africain en pleine mutation énergétique.
Mais pas question de laisser quelques multinationales occuper le terrain aux dépens des entreprises marocaines. D’où une recherche intensive de partenariats « équilibrés ». Avec une préférence pour les interlocuteurs pas trop gourmands mais très ingénieux.
La Belgique aux premières loges
Voilà une réputation qui colle bien à la Belgique. Les excellentes relations entre les deux pays en témoignent depuis plus de vingt ans.
Le Cluster TWEED, qui soutient les entreprises wallonnes sur le marché international des énergies renouvelables, en est bien conscient. Le Cluster a noué des contacts lors d’une première mission au Maroc en 2010 avec des opérateurs belges de premier plan face aux opportunités offertes par ce marché. A cette époque, le projet Desertec (aujourd’hui abandonné) faisait flotter sur le Maghreb des rêves de gigantisme. Cedric Brull, directeur de TWEED, y est retourné en 2012 avec une dizaine d’acteurs belges pour y envisager des projets de plus petite de dimension (lire le feedback de la mission).
Le Cluster a participé à un troisième voyage sectoriel en février dernier, dans un contexte profondément renouvelé. Car les choses bougent vite désormais au Maroc. Il y a le méga projet solaire bien sûr, la perspective d’une COP22 destinée à opérationnaliser sous la présidence marocaine les Accords de Paris pour le Climat, le Salon organisé début du mois à Casablanca sur l’efficacité énergétique, … Mais aussi une complète remise en ordre de marche des institutions nationales actives dans la transition énergétique.
Une agence dédiée à la transition
Car c’est désormais la Masen (agence marocaine pour l’énergie solaire) qui a en charge la feuille de route nationale vers les énergies renouvelables. L’agence devrait constituer une super-structure au service de la transition énergétique. Elle pourra s’appuyer sur l’Aderee (Agence Nationale pour le Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique) – dont c’était la vocation jusque-là – et deux outils transversaux : l’IRESEN (Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles) et la SIE (Société d’investissements énergétiques), bras financier public dédié à l’accompagnement des projets du secteur privé mais aussi des collectivités locales.
Nul doute que 2016 sera une année clé dans la transition énergétique marocaine.
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Sur le concept de concentration solaire de type tour, lire également notre article Gemasolar : 24 heures d’électricité avec une tour thermosolaire.