L’autoconsommation collective, un modèle rentable à développer en Belgique

En Allemagne et en France, plusieurs consommateurs peuvent consommer l’électricité d’une même installation photovoltaïque. C’est moins cher que l’électricité achetée sur le réseau et rentable sans aide publique. En Belgique, ce modèle pourrait aussi voir le jour.

L’autoconsommation collective, c’est la prochaine étape du développement photovoltaïque partout en Europe.

Il s’agit de rendre possible, par un cadre légal adapté, le raccordement de plusieurs consommateurs situés dans un même quartier à une installation photovoltaïque locale.

On peut imaginer de nombreux cas de figure : un particulier qui équipe son toit et partage son surplus d’électricité solaire à ses voisins, une école qui alimente en électricité une bibliothèque et un magasin, une grande toiture qui alimente les entreprises d’un zoning, une église qui partage son électricité avec son voisinage … Bref, tout devient possible.

La nouvelle directive européenne sur les énergies renouvelables définit des notions de « communauté énergétique » et d’« autoconsommation », ce qui peut se traduire concrètement par des projets d’autoconsommation collective. Des réalisations vont donc se développer dans les Etats membres.

5 avantages

Ce modèle est intéressant à plusieurs niveaux :

  • Consommer son électricité solaire coûte désormais moins cher qu’acheter de l’électricité à un fournisseur – y compris en Belgique. Le modèle d’autoconsommation collective est donc rentable sans subside. Il joue sur deux atouts :
    • Une installation photovoltaïque de grande taille (et partagée) s’avère plus compétitive que plusieurs installations individuelles.
    • La complémentarité entre différents types de consommateurs (des écoles ou entreprises qui consomment en journée, des ménages qui consomment plutôt le soir et tôt matin, …) augmente le taux d’autoconsommation local et donc l’avantage économique.
  • Ce modèle permet à tout consommateur d’avoir accès à une toiture solaire. Un ménage dont le toit est à l’ombre pourra ainsi quand même bénéficier d’une électricité solaire. De même, un locataire (ménage ou entreprise) qui ne peut pas équiper son propre toit pourra rejoindre la centrale solaire collective.
  • Il permet de bénéficier du soleil sans devoir investir. Des consommateurs à faible budget peuvent bénéficier de l’installation collective. Ce modèle permet notamment d’alimenter des logements sociaux en électricité solaire à prix avantageux pour les locataires.
  • Il facilite la gestion du réseau car l’autoconsommation collective atténue les pointes d’injections grâce aux différents profils de consommation.
  • Enfin, ce modèle favorise les initiatives locales et collectives vers une transition énergétique.

Voici comment ce modèle est décliné en Allemagne et en France, soit deux expériences différentes et concrètes.

L’Allemagne encourage la participation des locataires 

Le quartier Gelbes Vierrel Hellersdorf à Berlin est l’une des réalisations les plus importantes d’autoconsommation collective en Allemagne.

En juillet 2017, l’Allemagne a adopté la loi dite « Mieterstrom ».

Objectifs :

  • Permettre aux locataires, et notamment ceux de logements sociaux, de bénéficier d’électricité solaire à un prix avantageux.
  • Faire diminuer les kWh transitant sur le réseau public.

Concrètement, une personnalité juridique tierce, l’exploitant, doit assurer la totalité de la fourniture d’électricité aux participants (électricité solaire et non solaire) à un tarif au moins 10% inférieur au prix moyen de vente des fournisseurs d’électricité dans la zone. Les locataires ne sont pas obligés de participer au projet.

En compensation, l’exploitant recevra – durant 20 ans – une prime de 2,11 à 3,7 centimes pour chaque kWh autoconsommé par les locataires et transitant uniquement sur réseau privé.

Ce cadre réglementaire encourage la participation des locataires mais peut également inclure des entreprises, des bornes de recharges pour véhicules électriques, …

L’autoconsommation typique d’une installation de production est de 50-75 % tandis que l’autoproduction typique des consommateurs participants est de 25-35 %.

Source : PWC

La France expérimente son cadre juridique

La France a également adopté en 2017 un cadre réglementaire pour l’autoconsommation collective et expérimente ses premières réalisations concrètes.

Pour être autorisée, la centrale solaire commune (maximum 100 kWc) doit réunir des consommateurs (ménages, commerces, écoles, …) situés en aval d’un même poste de distribution d’électricité.

La production sera défalquée sur la facture des consommateurs, selon une clé de répartition décidée entre eux.

Ce qui soulève des questions sur le terrain : Comment répartir la production quand l’installation ne produit pas assez pour couvrir tous les consommateurs ? Qui peut déduire quelle part de la production ? Et qui bénéficie des surplus de production ? Et quid si l’un des participants déménage ? etc.

La production photovoltaïque (en rouge) est autoconsommée par 3 clients selon leur une clé de répartition décidée entre eux.

L’affectation de la production est proportionnelle à la consommation de chaque client.

Contrairement à l’Allemagne, la France a fait le choix d’installer et généraliser des compteurs communicants (Linky) d’ici 2020. Cet équipement permet de mesurer les productions et consommations réelles et d’appliquer une clé de répartition objective entre les consommateurs.

La mise en œuvre s’avère pourtant fastidieuse.

 « C’est un casse-tête juridique », résume Mélodie de l’Epine, coordinatrice du pôle photovoltaïque de l’association HESPUL. « Comment appliquer le tarif d’utilisation du réseau ? Dans le cadre actuel, les autoconsommateurs risquent de devoir payer plusieurs fois la redevance ».

Pour mieux comprendre, lire nos interviews : La France s’ouvre à l’autoconsommation collective et Photovoltaïque : la tarification en débat.

Et en Belgique ?

En Belgique aussi, le contexte économique est mûr pour initier un modèle d’autoconsommation collective rentable et sans subsides :

  • Le kWh solaire est avantageux ;
  • Le principe de la compensation ne s’applique pas pour les grandes installations (>10 kWc), les grandes entreprises ont donc tout intérêt à booster leur autoconsommation, y compris en partageant leur production solaire avec d’autres consommateurs (ce qui n’est pas encore possible légalement). Ceci est financièrement plus avantageux que revendre l’électricité sur le réseau.

Actuellement, pour une grande entreprise, un projet photovoltaïque est rentable immédiatement dès que l’autoconsommation atteint 70% de la production solaire. Si l’entreprise ne peut atteindre ce taux, elle aurait tout intérêt à partager et vendre sa production solaire à d’autres consommateurs.

Si l’installation photovoltaïque est déjà possible en copropriété (lire notre article), les trois Régions doivent désormais adopter un cadre réglementaire qui autorise et facilite l’autoconsommation collective à l’échelle d’un quartier, ce qui favorisera le développement d’un plus grand nombre de projets.

« Il s’agit d’un choix politique de rendre l’autoconsommation économiquement intéressant en Belgique », explique Benjamin Wilkin, Secrétaire général de l’APERe. « Les pouvoirs publics arrêtent de soutenir la production photovoltaïque, devenue compétitive, mais peuvent désormais soutenir une production solaire associée à une autoconsommation, en adoptant un cadre incitatif sans subside ».

Sans le principe du « compteur qui tourne à l’envers », il est en effet intéressant pour un prosumer belge de vendre son surplus à des voisins.  Ce sera bientôt le cas en Région bruxelloise, où la compensation sera supprimée en 2020.

Des projets-pilotes d’autoconsommation collective devraient bientôt voir le jour en Belgique. Le politique se saisira-t-il de cette nouvelle opportunité pour la transition énergétique ?