La Wallonie balise le développement des grandes installations photovoltaïques

Une circulaire, envoyée à toutes les communes, définit les conditions d’octroi d’un permis d’urbanisme. Afin de préserver les terres agricoles, les projets solaires devront s’implanter prioritairement sur des toitures, des friches industrielles ou des sols pollués. L’agrivoltaïsme est autorisé à titre exceptionnel. Or il mériterait d’être mieux soutenu.

Le Ministre wallon de l’Aménagement du Territoire a envoyé mi-janvier à toutes les communes une circulaire relative aux permis d’urbanisme pour les grandes installations photovoltaïques. 

Cet outil d’aide à la décision vise à protéger les terres agricoles et à éviter que la filière photovoltaïque ne vienne accentuer une pression foncière. 

Cette circulaire définit et oriente les futurs développements de projets solaires. En voici quelques grandes lignes directrices. 

Intégré dans le paysage et sans impact sur l’occupation des sols 

La Wallonie promeut les installations photovoltaïques qui s’intègrent dans le paysage et qui n’ont pas d’impact sur l’occupation du sol. 

Elle souhaite dès lors poursuivre et intensifier le développement photovoltaïque en toiture, en élévation ou en couverture de surfaces minéralisées (voiries, parkings, espaces de stockage, …). 

Elle privilégie par exemple les toitures de centres commerciaux, les hangars agricoles ou industriels, les écoles, hôpitaux, centres sportifs, … 

Exemple à suivre : Installation sur la toiture d’une cuisine collective à Fernelmont, financée par une coopérative (lire notre article). 

Exemple à éviter : les trackers solaires, qui s’inscrivent difficilement dans le paysage. 

Attention aux projets au sol 

Les champs photovoltaïques au sol ne pourront plus se développer aussi facilement dans nos campagnes et ne pourront plus se réaliser sur des terres agricoles, sauf exceptions telles que l’agrivoltaïsme (voir plus bas). 

Ils devront désormais se développer prioritairement sur des sites dégradés ou non utilisés : friches industrielles non réaffectables, anciennes carrières de faible intérêt écologique, décharges, bords d’autoroute ou de lignes de chemin de fer, bassins industriels, … 

Il s’agira également de favoriser les regroupements avec des infrastructures existantes, au sein de parcs éoliens par exemple. 

Exemple à suivre : Installation photovoltaïque (flottante) sur un bassin industriel à Geer (lire notre article). 

Exemple à suivre : Champ solaire sur une ancienne gare de triage à Arlon. Ce projet a été co-financé par des citoyens (lire notre article). 

Exemple à suivre : Champ solaire sur un ancien centre d’enfouissement technique à Habay. 

Exemple à suivre : Installation photovoltaïque le long d’une voirie. 

Minimiser les impacts paysagers 

Une grande attention sera portée à l’intégration paysagère. 

Exemple à suivre : La zone d’activité contient de nombreux objets de différentes échelles. Les formes géométriques des installations photovoltaïques proposent une unité ordonnée là où le regard subit un envahissement visuel permanent. 

Exemple à suivre : Les installations photovoltaïques sont construites en continuité avec un poste de distribution électrique. Elles viennent conforter la vocation énergétique du site. Le positionnement des panneaux dans une zone de faible altimétrie permet de conserver les vues sur les collines boisées. 

Et l’agrivoltaïsme ? 

Projet agrivoltaïque à Wierde, qui combine une production photovoltaïque avec un élevage de moutons et des ruches. Simulation en image de synthèse. © Ether Energy 

L’agrivoltaïsme consiste à combiner, sur un même terrain, une installation photovoltaïque avec un usage agricole. On valorise donc une même surface pour des projets énergétique et alimentaire, sans concurrence entre ces deux activités. 

Que dit la nouvelle circulaire wallonne ? “A titre exceptionnel”, il s’avère possible d’ “adjoindre un projet photovoltaïque à un projet agricole”. 

C’est malheureusement un peu court pour une filière qui dispose d’un grand potentiel en Wallonie et qui mérite d’être encouragée. 

En Wallonie, l’entreprise Ether Energy développe ainsi un modèle agrivoltaïque intelligent – lire notre interview : Ether Energy ou comment développer l’agrivoltaïsme en Wallonie

Nous avons interrogé Alex Houtart, Chef de projet à Ether Energy (photo ci-dessous). 

Que pensez-vous de ces nouvelles balises pour obtenir un permis d’urbanisme ? 

Sur le principe, nous sommes plutôt d’accord avec cette circulaire : il ne faut pas sacrifier des terres agricoles pour y mettre un champ photovoltaïque. 

Mais là où ça se complique, c’est que nos élus interprètent le texte dans un sens toujours plus restrictif. Cela complique les choses ou mène à des contradictions. Par exemple, les décharges ou centres d’enfouissement technique se trouvent sur des zones agricoles. Qu’est-ce qui est dérogatoire ou pas ? Cela n’aide pas à prendre la décision.

En réalité, la circulaire ne fait que confirmer et éclairer ce que le CoDT dit déjà. Malheureusement, elle ne permet pas de distinguer un bon projet agrivoltaïque d’un simple champ photovoltaïque sur des terres agricoles.

La difficulté actuelle, c’est que les investisseurs se montrent frileux car ils considèrent qu’il y a trop d’incertitudes en Wallonie. Est-ce que le photovoltaïque au sol est encore prioritaire ? Il n’y a pas eu d’analyse spécifique à l’agrivoltaïsme ni de comparaison avec nos pays voisins.  

Précisément, comment se développe l’agrivoltaïsme chez nos voisins ? 

La différence est très surprenante. De manière générale en Europe, on a d’abord connu des mouvements de restrictions ou d’interdictions, par peur d’une pression foncière sur les terres agricoles. Puis les choses ont évolué, notamment en France, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Il y a eu une véritable collaboration avec les syndicats agricoles et les administrations, qui a abouti à des Chartes avec les producteurs ovins, qui sont ravis des avantages qu’ils obtiennent grâce à la combinaison d’un élevage de moutons avec un projet photovoltaïque. Nos projets agrivoltaïques sont beaucoup mieux accueillis au Luxembourg par exemple, où la densité de population est plus forte et la présence de terres agricoles encore moindre ! 

Comment voyez-vous l’avenir de l’agrivoltaïsme en Wallonie ? 

Il faut absolument sortir de cette logique dichotomique “On sacrifie une terre agricole pour une autre activité”. Oui, on peut combiner deux activités sur une même surface et tout le monde est gagnant. Evidemment, il faut éviter “l’agriwashing”. Il doit s’agir d’un véritable projet avec un agriculteur actif. Et il y a un énorme potentiel avec les producteurs ovins, le maraîchage, les champignons, … Il faut regarder au cas par cas. Or en Wallonie, cette circulaire ne permet pas cette clarification.

Il faudrait mieux expliquer la différence entre un projet solaire sur zone agricole – qui
est une mauvaise idée que nous combattons, comme de nombreuses autres parties
prenantes – d’un projet agrivoltaïque c’est-à-dire un projet agricole aidé par des panneaux solaires, une
technique à soutenir et devenue prioritaire dans tous les pays voisins.

Il faudrait aussi une concertation avec les acteurs du secteur en Wallonie : la fédération EDORA, les administrations de l’énergie et de l’environnement, …

Nous espérons que le projet agrivoltaïque de Wierde servira de vitrine pour montrer les bonnes et mauvaises pratiques. Le projet a reçu son permis et devrait être opérationnel début 2023. Les acteurs et le grand public pourront alors constater la bonne synergie entre l’installation solaire, les moutons et les ruches (lire notre article Ether Energy ou comment développer l’agrivoltaïsme en Wallonie).

A moyens termes, nous comptons toujours développer 250 MWc de champs photovoltaïques eco-responsables à l’horizon 2025 et nous aurons besoins de l’agrivoltaïsme pour y arriver.

Lire également nos articles :

Pour nos agriculteurs et notre alimentation, bannissons les champs solaires.

Agrivoltaïsme : Quelles applications possibles en Belgique ? 

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