En Wallonie, plusieurs voisins pourront bientôt se réunir pour produire et consommer une énergie renouvelable locale. Cette nouvelle dynamique offre des opportunités à tous : entreprises, coopératives citoyennes, ménages, communes, …
Tous les acteurs belges et européens se concentrent désormais sur une évolution décisive du marché de l’énergie : l’autoconsommation collective.
Il s’agit de rendre possible, par un cadre légal adapté à ce nouveau marché, la mise en commun de plusieurs consommateurs situés dans un même quartier à une (ou plusieurs) installations de production renouvelable locale – photovoltaïque par exemple.
On peut imaginer de nombreux cas de figure : un (ou plusieurs) particulier(s) qui équipe(nt) son (leur) toit(s) et partage(nt) son (leur) surplus d’électricité solaire à ses voisins, une école qui alimente en électricité une bibliothèque et un magasin, une grande toiture qui alimente les entreprises d’un zoning, une église qui partage son électricité avec son voisinage … Bref, tout devient possible.
Encouragée par l’Europe, cette dynamique se développe depuis plusieurs années en Allemagne et en France notamment (lire notre article L’autoconsommation collective, un modèle rentable à développer en Belgique).
Le politique y voit en effet (à raison) un nouveau moyen pour accélérer la transition énergétique et rencontrer les objectifs européens de production d’énergies renouvelables et de réduction d’émissions de CO2.
En Belgique, les 3 Régions planchent sérieusement sur le sujet et la Wallonie vient d’adopter une proposition de décret très intéressante.
Inciter une nouvelle dynamique
Dans sa proposition, la Wallonie définit l’autoconsommation collective comme suit : « opération consistant à partager, dans un même périmètre géographiquement défini, via le réseau public de distribution ou de transport local, de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ou de cogénération de qualité, entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs clients finaux. »
L’autoconsommation se fera donc sur la basse et moyenne tension (pas la haute tension) et sur le réseau public (pas de câbles privés entre voisins).
La Wallonie crée et définit un nouvel acteur : Le gestionnaire de l’opération d’autoconsommation collective. Ce rôle pourrait être joué par tous les acteurs qui le souhaitent : une association, un particulier, un collectif de quartier, un regroupement d’entreprises, une intercommunale, une coopérative citoyenne, un fournisseur d’électricité, …
Un tarif spécifique serait appliqué à l’autoconsommation collective, qui rendrait cette électricité moins chère que l’électricité classique du réseau. Les clients finaux (par exemple des entreprises et une école) recevraient 2 factures : d’une part, celle du gestionnaire de l’autoconsommation, relative à l’électricité renouvelable locale et, d’autre part, celle de leur fournisseur traditionnel.
C’est bien là l’objectif : stimuler les consommateurs (notamment les entreprises et les coopératives) à investir dans une production locale qui fournira une énergie renouvelable à prix avantageux.
Il s’agit donc de consommer cette énergie verte au moment où elle est produite. Pour stimuler cela, la Wallonie prévoie une comptabilité énergétique au quart d’heure. Les entreprises y trouvent ainsi un avantage qui les inciteront à entrer dans la dynamique.
Notons que le texte prévoie des possibilités de stockage de l’énergie locale, quel qu’il soit : batterie, hydrogène, véhicule électrique, …
Une logique plus vertueuse que les accords de branche ?
En ce qui concerne les entreprises, ce nouveau marché leur permettraient de sortir de la logique des accords de branche (fortement contestés par certains acteurs), qui exonèrent certaines entreprises de la redevance sur les certificats verts si elles mettent en œuvre des économies d’énergie.
Avec l’autoconsommation collective, les entreprises (comme les utilisateurs finaux) vont s’interroger sur la quantité d’énergie consommée, sa nature et son origine. Elles auront donc un intérêt immédiat à réduire leur consommation d’énergie et à la couvrir majoritairement par de la production renouvelable locale.
Les dynamiques environnementale, économique et sociétale s’avèrent donc rassemblées de manière vertueuse.
Suite du processus régional
La proposition de décret est en examen au sein du Pôle Energie de la Fonction consultative Wallonne. Elle sera soumise à discussion au Gouvernement wallon en vue d’une adoption avant la fin de l’actuelle législature. Une fois adopté, le décret devra être complété par de nombreux arrêtés d’exécution qui définiront plus finement les principes d’autoconsommation collective et, notamment, la réduction de tarif envisagée (sur base de propositions de la CWaPE) par rapport aux tarifs en vigueur actuellement.
Si les discussions s’annoncent longues et compliquées, nous pouvons raisonnablement espérer une mise en œuvre, plus large que les nécessaires projets pilotes, pour 2023.
Le Gouvernement fédéral peut agir aussi
Ce que la Wallonie met en place aujourd’hui, le Pacte énergétique le prévoyait. Ce Pacte, qui a fait l’objet d’un consensus politique fin 2017, a depuis lors été ratifié par la Wallonie et la Région bruxelloise mais reste actuellement bloqué aux niveaux du fédéral et de la Région flamande.
Ce document reste cependant une référence en matière de politique énergétique. Il y est notamment écrit :
« Chaque entité s’attachera, en fonction de ses compétences, aux domaines suivants :
Favoriser le déploiement des sources de production décentralisées (…) via notamment des modèles d’autoconsommation collective et locale et le développement de micro-réseaux (…). »
Il est également question de :
« Favoriser les circuits courts de distribution d’électricité. »
Par ailleurs, le Fédéral possède 2 outils qui ont un impact direct sur la facture :
- La redevance au Gestionnaire de réseau de Transport (Elia). De la même manière que les consommateurs exclusifs en haute tension ne payent pas le réseau de distribution, l’électricité qui est produite et consommée sans recours au réseau de haute tension pourrait être exonérée de cette contribution.
- La TVA. Fixée à 21% sur l’électricité, cette taxe de compétence fédérale pourrait tomber à 6% pour l’électricité locale renouvelable au regard des nombreux avantages environnementaux, sociaux et économiques que ce mode de marché apporte.
En outre, l’accord du Gouvernement fédéral stipule que :
« En menant une politique d’accompagnement (…), le Gouvernement soutiendra les Régions dans leur politique climatique ainsi que dans leur politique atmosphérique ».
Lire également notre article Pacte énergétique : les chiffres donnent l’avantage aux renouvelables.
Nombreux autres avantages
Notons que l’autoconsommation collective offre de nombreux autres avantages :
- C’est un moyen possible pour lutter contre la précarité énergétique, comme le montre l’expérience allemande dans les logements sociaux.
- C’est un moyen peu coûteux d’augmenter la sécurité d’approvisionnement et de lutter contre le black-out en augmentant la production renouvelable locale.
- C’est un moyen de valoriser les réseaux électriques existants de manière plus intelligente et sans devoir investir dans l’infrastructure.
- C’est un moyen de susciter les économies d’énergie.
- C’est un moyen d’améliorer la balance commerciale de la Belgique via la réduction de ses importations d’énergie.
- C’est un moyen d’augmenter la solidarité.