Le secteur automobile va connaître une profonde transformation dans les années à venir, avec l’électrification massive des véhicules. Pour assurer une transition juste, il faudra investir et accompagner les travailleurs vers de nouveaux métiers et compétences.
Le Green deal européen prévoit de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures neuves à partir de 2035, ce qui signifie l’arrêt des ventes de véhicules essence et diesel à cette date, en vue de généraliser la motorisation 100% électrique d’ici 2050.
Or un moteur électrique est bien plus simple à fabriquer que son équivalent thermique. Il contient cinq fois moins de pièces (et donc cinq fois moins de production) et ne nécessite pas de systèmes de transmission et d’échappement.
Dès lors, là où cinq salariés étaient nécessaires pour fabriquer un moteur thermique, essence ou diesel, il n’en faut désormais plus que trois pour fabriquer son équivalent électrique.
En toute logique, les fournisseurs et constructeurs européens devraient accuser d’importants reculs de leurs productions.
L’électrification du parc automobile va également impacter les entreprises de services autour de la voiture (commerce, garages, location, stations-service, etc.), ainsi que la réparation (moins de pièces, donc moins de maintenance), le contrôle technique ou la distribution de carburants.
Plusieurs métiers sont amenés à disparaître progressivement : décolleteur, tôliers, opérateurs de production, caristes, régleurs, contrôleurs qualité, …

Selon une étude publiée fin 2021 par l’Association européenne des fournisseurs automobiles (CLEPA), l’électrification pourrait causer la suppression de 500.000 emplois en Europe d’ici 2040.
Bien sûr, l’électromobilité permettra aussi de créer de nouveaux emplois, notamment dans les logiciels, la fabrication et l’assemblage des éléments de batteries, ce qui réduirait la perte nette d’emplois à 275 000. Mais d’autres études arrivent à des volumes d’emplois très différents et il n’est pas aisé, à ce jour, de quantifier l’impact de l’électrification sur l’emploi.
De nouveaux métiers vont se développer dans les usines, en particulier les bobiniers (fabrication des moteurs électriques), les monteurs-câbleurs (construction, installation et réparation des matériels électriques et électroniques) et les ingénieurs (conception, fonctionnement, électronique).
De plus, certains marchés, tels que le recyclage et la réutilisation, la gestion et la maintenance de la mobilité partagée, pourraient également créer de nouveaux emplois.
Mais cela suppose la création d’une importante filière de batteries en Europe face à la concurrence asiatique et d’une large filière de recyclage. En outre, les nouvelles activités ne se développeront pas forcément dans les mêmes régions ni dans les mêmes entreprises, et demanderont davantage de compétences informatiques et numériques.
Notons que le secteur automobile connaît d’autres mutations depuis plusieurs années, liées aux délocalisations et à l’automatisation, ce qui a aussi un impact sur l’emploi et les compétences.

Pertes d’emplois et création d’emplois (par milliers) à travers différentes industries. Source : BCG.com
Investir dans la formation
Autant dire que le secteur devra massivement investir dans la formation et l’orientation professionnelle si l’on veut accompagner les travailleurs et s’orienter vers une transition juste.
Voici quelques exemples tirés de cette étude de l’Observatoire français de la métallurgie :

En Belgique, la récente étude de Climact sur la décarbonation du transport, réalisée pour le Conseil Fédéral du Développement Durable (CFDD), souligne ces deux recommandations :
- Le développement des véhicules électriques et la fin des moteurs thermiques doivent s’accompagner d’un développement local des filières annexes sur la chaine de valeur pour être qualifiés de « durables » en termes d’emplois.
- Il est indispensable de se doter de programmes solides (tant au niveau des politiques que des industriels) en termes d’accompagnement et formations à mettre en place pour réorienter les personnes actives dans ces industries.
Les scénarios étudiés dans l’étude Climact envisagent tous une réduction de la demande (moins de voitures) et donc une décroissance du marché automobile.
Par conséquent, la balance nette des emplois des constructeurs automobiles risque de plutôt tendre vers le négatif. Dans ce cas, les programmes de réorientation devront favoriser le transfert vers d’autres industries en manque d’effectifs, le cas échéant dans d’autres secteurs, comme la rénovation énergétique des bâtiments ou de l’industrie ou le développement des énergies renouvelables. En parallèle, de nouveaux services (en dehors de la chaine de valeur de production de véhicules) verront le jour dans ces scénarios de décarbonation (comme le développement de technologies de partage de voitures), qui pourront également être la source de nouveaux emplois.
Planifier le dialogue social
Consciente des enjeux, une coalition européenne de syndicats, d’associations environnementales et d’industriels plaide pour une transition juste pour les secteurs de l’automobile et de la mobilité, un écosystème qui emploie 16 millions de travailleurs en Europe. Un appel à l’action est lancé, s’appuyant sur :
- Une cartographie des impacts sur l’emploi aux niveaux de l’entreprise, de la région et du pays afin d’assurer une veille efficace sur les compétences et l’anticipation du changement.
- Un soutien politique et les échanges de bonnes pratiques : l’extension de la Plateforme pour une transition juste au champ d’application du Green Deal européen.
- Une planification de la transition et dialogue social, y compris des plans de transition négociés aux niveaux de l’entreprise, de la région et du secteur, et renforcement du dialogue social par une conditionnalité sociale contraignante pour l’accès aux fonds de l’UE.
- Des ressources adéquates pour les politiques actives du marché du travail, y compris la reconversion et l’amélioration des compétences, grâce à un fonds dédié à l’écosystème de la mobilité.

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