Un parc automobile européen 100% électrique en 2050 ? C’est possible si on lève dès aujourd’hui les freins politiques, techniques et opérationnels. Le secteur avance sur les solutions et démontre l’efficacité du vehicle to grid.
L’Association pour la Mobilité Propre Electrique et Responsable (AMPERes) a réuni lors d’un colloque fin avril plusieurs experts et acteurs de la mobilité électrique en Belgique. Cet événement nous donne l’occasion de faire le point sur les défis et avancées de ce secteur.
Le climatologue Jean-Pascal Van Yppersele a d’emblée rappelé l’urgence climatique : pour répondre à l’Accord de Paris et assurer la viabilité de la Terre, l’Europe doit réduire ses émissions de CO2 à zéro d’ici 2050. Or les ambitions européennes actuelles, notamment pour le secteur du transport, ne correspondent pas encore à ces objectifs.
Une politique de mobilité en 3 axes
Pour réduire drastiquement les émissions polluantes du transport européen, il s’avère crucial de mener des actions politiques selon les 3 axes reconnus pour leur efficacité :
- « Avoid » : L’aménagement intelligent du territoire permet de réduire les besoins de déplacements. Il s’agit notamment de densifier l’habitat et l’activité économique à proximité des transports en commun.
- « Shift » : Inciter les citoyens et les acteurs économiques à délaisser la voiture et le transport routier en développant des politiques et des infrastructures qui favorisent les « modes actifs » (marche, vélo) et les transports en commun et fluviaux (créer des lignes structurantes, améliorer l’offre, initier le réseau ferroviaire suburbain, promouvoir la fréquentation des trains en dehors des heures de pointe, rendre les bus prioritaires sur les voiries, …). L’usager doit pouvoir combiner facilement ces différents moyens de transport, dans une logique de mobility as a service.
- « Improve » : L’amélioration de l’impact environnemental du transport passera par l’interdiction progressive des véhicules thermiques (diesel et essence) et l’électrification massive du parc automobile. Selon Jean-Pascal Van Yppersele, le phasing out peut se réaliser en 15 ans avec la vente de véhicules exclusivement électriques à partir de 2035.
Pour mieux comprendre cette politique en 3 axes, lire notre article Une mobilité wallonne plus durable d’ici 2030.
3 freins au développement électrique
Selon le chercheur Joeri Van Mierl (VUB Mobi), le développement des véhicules électriques fait face à 3 grands freins:
- Le coût du véhicule électrique, qui reste actuellement important. Pour objectiver le débat, la VUB a développé un outil qui permet de comparer les coûts des différents types de véhicules (achat et usage) selon la technologie et le combustible. L’outil permet de visualiser les politiques incitatives de trois zones (l’Europe de l’ouest, l’Europe du sud et la Scandinavie). Le modèle scandinave se démarque clairement et montre un coût plus abordable des véhicules électriques.
- L’autonomie des batteries. Pour le grand public, une autonomie de 300 km reste un critère important, même si une voiture belge parcourt en moyenne à peine 40 km par jour. Or les batteries actuellement sur le marché atteignent entre 100 km et 300 km en conditions réelles (lire cette analyse comparative).
- Le réseau de bornes de recharge, encore insuffisant en Belgique. On estime que seule la moitié des Wallons et Flamands pourraient charger à domicile; et cette proportion chute à environ 10% pour les Bruxellois. Cela indique la nécessité de développer une infrastructure publique de recharge électrique, à l’exemple de la Norvège et des Pays-Bas (graphique ci-dessous).
Vers un réseau de bornes harmonisé ?
Le réseau reste insuffisant, certes, mais aussi trop diversifié dans son interopérabilité et sa facturation.
Les socles de prises peuvent différer d’un opérateur à l’autre, ce qui pose toujours des questions techniques (lire notre article La mobilité électrique à la merci de son réseau de recharge et notre interview de Peter Van den Bossche (VUB-MOBI) Bornes de recharge : « Plusieurs systèmes vont coexister »).
Or l’intégration de la mobilité électrique doit se faire en bonne harmonie avec la gestion du réseau électrique.
La législation européenne a donc adopté des critères communs (règles techniques, tarification, standards de prise, …) pour assurer une certaine uniformisation du secteur.
La question de l’interopérabilité commence également à être prise en compte : des collaborations entre différents fournisseurs/gestionnaires de bornes permettent désormais d’assurer un même service pour des clients affiliés à différents systèmes. L’initiative « open charge point » propose par exemple aux clients d’utiliser toutes les stations de chargement installées par les partenaires, en Belgique et dans les pays frontaliers. Un service commun de facturation est également mis en place.
Tandis qu’une meilleure collaboration entre les opérateurs permet désormais de construire un maillage de bornes de charge rapide en Europe.
2 millions de voitures électriques en Belgique ?
La Belgique compte actuellement moins de 5000 véhicules électriques sur ses routes. Or ce nombre pourrait grimper à 2 millions, dès aujourd’hui, selon un rapport de la CREG (septembre 2017, pages à 19). Cela se traduirait par une hausse de la consommation d’électricité de 4%, sans risque pour notre sécurité d’approvisionnement, pour autant que ces véhicules se rechargent pendant les heures creuses, au moment où la consommation d’électricité est réduite. Or toutes les statistiques prouvent que c’est bien pendant la nuit que la très grande majorité des véhicules électriques se recharge, à domicile, notamment pour bénéficier du tarif réduit en heures creuses (lire notre article 2 millions de voitures électriques en Belgique ?).
Du Smart charging au vehicule to grid
Enfin, l’événement AMPERes montre pour la première fois que le secteur cherche des solutions pour combiner stockage, mobilité et production électriques. Le discours des acteurs évolue. Auparavant, la meilleure solution envisagée pour la gestion du réseau était la charge nocturne (dite smart charging). Aujourd’hui, on envisage la production photovoltaïque et l’autoconsommation directe. On chargerait les batteries en journée (grâce à des bornes sur les lieux de travail, par exemple) et le vehicle to grid (voiture qui peut consommer ou injecter sur le réseau) permettrait d’assurer un stockage renouvelable et de soulager le réseau aux moments des pics de production et de consommation (lire notre article Nous avons testé la Sion, une voiture électrique connectée au soleil).
De tels véhicules existent au Japon et sont en test en Grande-Bretagne.
L’intégration du vehicle to grid permettra d’atteindre des objectifs de réduction de CO2 plus ambitieux. Le graphique ci-dessous montre différents scénarios à l’horizon 2030. La sortie du nucléaire, la croissance du renouvelable dans le mix électrique et le vehicle to grid permettent au global une diminution des émissions de CO2 du secteur électrique et du transport.

Source : VUB MOBI.