La géothermie profonde à l’épreuve des tremblements de terre

La plus grande centrale géothermique de Belgique, à Mol, a dû suspendre ses activités durant 2 ans, suite à des séismes perçus par les riverains. Le centre de recherche technologique VITO travaille désormais sur un forage électro-pulsé.

La plus grande centrale belge de géothermie profonde se situe sur le site de Balmatt à Mol (province d’Anvers) – illustration ci-dessus – et se compose de 3 puits.

En production continue, les 3 puits disposent d’un potentiel thermique d’environ 10 MW thermiques et d’un potentiel électrique voisin de 1 MW.

Elle pompe de l’eau chaude (130°) à 3,5 km de profondeur en vue d’alimenter un réseau de chaleur qui, à terme, chauffera les bâtiments de l’Institut flamand de recherche technologique VITO – qui exploite la centrale – et ceux du Centre d’études nucléaires SCK CEN et du centre de traitement de déchets nucléaires Belgoprocess. 

Les forages d’essai ont eu lieu en 2016, suivis par des tests opérationnels en 2018, qui se sont déroulés avec succès. 

De mini-séismes, imperceptibles, ont été constatés, phénomène bien connu en géothermie profonde, mais leurs amplitudes ont progressivement augmenté.

Si bien qu’en 2019, deux petits tremblements de terres – d’une magnitude de 1,8 et 2,1 sur l’échelle de Richter – ont fait trembler des tasses à café dans les armoires de cuisine au centre de Dessel, à 3 km de Balmatt. 

De quoi inquiéter les riverains et les autorités locales, vu la proximité d’un site nucléaire. 

Le VITO a confirmé le lien entre les tremblements de terre et l’injection d’eau froide dans le sous-sol. 

La centrale géothermique a donc été mise à l’arrêt, durant quasi 2 ans, le temps de mener des analyses sismologiques.

Les bâtiments du VITO et la centrale géothermique, sur le site de Balmatt à Mol.

Un réseau local de sismomètres 

“En déterminant la localisation des séismes, les chercheurs sont en mesure d’établir comment le substrat réagit aux différences de pression en lien avec l’injection. Cela permet aux chercheurs de se familiariser avec le sous-sol profond”, explique le VITO sur son site web

L’Institut de recherche technologique précise : “L’injection d’eau dans le sous-sol profond provoque de petits mouvements qui peuvent provoquer des tremblements de terre. Les tremblements de terre induits artificiellement sont un point central dans le développement de tout projet d’énergie géothermique profonde et sont un sujet de recherche important. De petits mouvements se produisent le long des fissures et des crevasses du calcaire, qui s’ouvrent ensuite davantage en raison du flux forcé et des surpressions. Pour cette raison, le VITO a développé un réseau local dense de sismomètres. Le réseau permet aux chercheurs de localiser les mouvements du sol à quelques dizaines de mètres près. En comparant les emplacements de séismes consécutifs, ils peuvent calculer la direction dans laquelle les effets de pression de l’injection se poursuivent. Ainsi, les chercheurs sont en mesure de surveiller si les séismes se produisent à proximité des principaux systèmes de fracture. En surveillant l’injection (pression et température), le VITO vise à garantir le fonctionnement sûr de la centrale géothermique.” 

Le VITO utilise un système de feux tricolores pour mesurer 4 paramètres : la magnitude calculée d’un tremblement de terre ; la distance du défaut; le nombre de mouvements par unité de temps ; la vitesse maximale au sol de crête mesurée dans les sismomètres du réseau de surveillance. 

Les chercheurs ont donc mesuré la pression de l’eau réinjectée, son débit et son refroidissement, ce qui devrait leur permettre de prédire la probabilité qu’un séisme de magnitude 4 se produise un jour dans une période de trente ans.   

Sur base des résultats de cette campagne d’analyses, la centrale géothermique a reçu l’autorisation de redémarrer en avril 2021, sous des conditions strictes de sécurité et dans le cadre d’un programme de tests sur la sismicité induite.

Plusieurs projets à l’arrêt

La géothermie profonde se voit régulièrement confrontée à ce type d’obstacles. 

En France, la centrale géothermique la plus ambitieuse a ainsi été mise à l’arrêt fin 2020 suite à des tremblements de terres ressentis près de Strasbourg (lire cet article de Euractiv). 

Notons qu’un autre projet belge, au parc des Ursulines à Mons, a été définitivement abandonné, suite à l’opposition de riverains, au retard du chantier et aux difficultés liées aux subsides européens (lire cet article de La Dernière heure). 

Forage électro-pulsé 

Différentes pistes existent pour réduire les impacts sismologiques.

Le VITO travaille ainsi sur un système qui n’existe encore nulle part dans le monde afin d’en faire une réalité : le forage électro-pulsé. 

Il s’agit de forer des puits à 7 km de profondeur, afin d’accéder à un plus grand nombre de réservoirs d’eau chaude géothermique. 

Mais forer un puits de 7 km n’est pas une mince affaire. Les techniques de forage traditionnelles nécessitent du temps, des personnes et des ressources, et elles ont un impact majeur sur l’environnement – pensons aux vibrations et au bruit.  

Le VITO vise à le faire 10 fois plus rapidement en utilisant le forage électro-pulsé, comme nous l’apprenons sur cette page web
 

Au lieu de percer mécaniquement, nous forons électrostatiquement à l’aide de deux pièces de métal, entre lesquelles se produit une décharge électrique. Cela fait éclater les pierres.  

Avantages:  

  • Pas d’usure : une tête de forage traditionnelle doit être remplacée régulièrement car il y a un contact en mouvement constant. Mais avec le perçage électrostatique, la tête reste immobile et ne s’use donc pas ; 
  • 10 fois plus rapide ; 
  • Forage profond possible : avec le forage électro-pulsé, nous pouvons forer en profondeur et nous pouvons également forer des puits avec des diamètres plus importants ; 
  • Horizontal et vertical : la perceuse fonctionne dans toutes les directions. La technique pourrait, par exemple, être également utilisée dans la construction de tunnels pour une nouvelle ligne de métro.