La biomasse-énergie a-t-elle sa place en ville ?

La région bruxelloise s’approvisionne en énergie sous la forme principalement de gaz naturel, d’électricité et de produits pétroliers. Mais, en phase avec les objectifs européens en terme de développement des énergies renouvelables, peut-on élargir ce mix énergétique à la biomasse ?

C’est la question que posait récemment le séminaire organisé par le réseau Brussels Green Tech et le Cluster TWEED. Et dans une ville-Région comme Bruxelles, elle revêtait forcément une acuité particulière. Voilà donc un territoire autonome de 161 km² regroupant plus d’un million d’individus et supposé prendre sa part dans l’objectif européen de 13 % d’énergies renouvelables assigné à la Belgique.

La principale  ressource renouvelable locale bruxelloise est le soleil. Il peut être exploité sur les surfaces libres non-ombragées des différents bâtiments et infrastructures.  En ce qui concerne le vent, une récente étude confirme le potentiel bruxellois mais son exploitation est fortement limitée par les contraintes de proximités de l’habitat et de l’aéroport de Zaventem. Quant à la chaleur naturelle (air, nappes phréatiques et sol), elle peut être une option envisageable pour des applications basse température de certains bâtiments. Enfin, le territoire urbain réserve peu de place pour des cultures à des fins énergétiques. Mais par contre, la région engendre un flux de déchets dont une partie est, à l’origine, de la biomasse. De plus, le canal de Bruxelles peut être une voie d’approvisionnement en biomasse énergie.

Selon le bilan énergétique de la Région de 2012, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute de Bruxelles se situerait autour de 1,7 % dont 55 % sont fourni par les biocarburants présents dans les carburants routiers (Taux énergétique d’incorporation ≈ 5 %). Hors biocarburants, les énergies renouvelables représentent 169 GWh dont plus de 80 % proviennent de la biomasse. L’incinération des déchets ménagers (68 GWh d’électricité), le chauffage au bois (58 GWh de combustible à des fins de chaleur), la cogénération biomasse, principalement à partir de boues de stations d’épuration des eaux usées (7 GWh d’électricité) et la biomasse à des fins de chaleur (4,5 GWh).

Exemple de filtre électrostatique. Sven BRAM, VUB

Les ressources potentielles en biomasse de la région bruxelloise sont estimées à quelques 265 000 tonnes de déchets organiques incinérés (dont un bon quart serait méthanisable), plus de 3 700 tonnes de bois et résidus issus des parcs et jardins gérés par Bruxelles-Environnement et jusqu’à près de 8 000 tonnes d’huiles végétales résiduaires issues des cuisines privées et collectives. En 2010, l’ICEDD avait estimé le potentiel technico-économique bruxellois de production d’énergies renouvelables à partir de cogénération biomasse à 573 GWh d’électricité et 927 GWh de chaleur, soit 7 % de la consommation finale brute d’énergie de la Région.

Un potentiel (théorique) considérable donc ? Le bureau d’études précisait tout de même que, vu les contraintes du bâti et l’état actuel des techniques, seuls 30 % de ce potentiel pourrait être mis en œuvre d’ici 2020. Et bien moins encore si l’on tient compte de la rationalité financière des investissements à mettre en œuvre.

Prenons par exemple la fraction méthanisable des déchets organiques évoquée plus haut. Cette biomasse humide est valorisable via le compostage (par fermentation aérobie mélangé aux déchets verts) et via la production de biogaz et la cogénération. Si l’on met de côté les difficultés inhérentes aux nuisances olfactives de ce type de traitement en milieu urbain et pour autant que l’on trouve un site approprié dans un tissu urbain limité, les installations considérées ne trouvent en général leur pleine rentabilité que par le biais de la valorisation du digestat solide issu du traitement (par exemple comme amendement organique). Ce qui est difficilement concevable en ville et suppose donc des frais de transport supplémentaires. Si les procédés de biométhanisation sèche présenté par la société Qays ouvrent quelques perspectives intéressantes (installations plus petites, meilleur rendement, commercialisation locale du digestat en jardinerie), ils n’ont pas encore convaincu la Région qui continue à exporter de la matière organique brute et à traiter une grosse part du solde sans aucune valorisation.

Situation délicate aussi pour le chauffage au bois ou tout autre équipement de combustion de biomasse, dont une trop grande présence en ville pourrait accentuer les problèmes de qualité de l’air (voir encadré), surtout avec des équipements non efficaces comme les feux ouverts et simples inserts. Un domaine où les technologies ont fait des progrès significatifs et les équipements modernes permettent de réduire drastiquement les émissions polluantes. Mais au-delà de la technologie, les apports en termes d’efficacité sont aussi largement dépendants des combustibles utilisés, du pilotage de l’installation, de sa maintenance et du comportement des utilisateurs. (Cfr exposé de Sven Bram, VUB). Au stade actuel, le respect scrupuleux des normes environnementales en matière de qualité de l’air impose de facto le recours à des équipements modernes et l’utilisation de filtres. Mais pour ces derniers, leurs coûts ne se justifient que pour des installations de plus de 1 MW. D’où une réflexion plus poussée au niveau des réseaux de chaleur dont Bruxelles abrite déjà quelques exemples souvent mixtes (gaz, bois, huiles végétales).

Source : Observatoire des énergies renouvelables – www.apere.org

 

Qualité de l’air : Bruxelles veille

L’Europe impose, à Bruxelles comme ailleurs, le respect d’un certain nombre de normes d’émission visant une série de polluants : SO2, NO2, PM 10, PM 2,5, plomb, CO, benzène, ozone,… Des valeurs limites ont été fixées pour chacun d’eux, qui sont contrôlées en permanence par le réseau télémétrique bruxellois. Les dépassements constatés font actuellement l’objet d’une procédure d’infraction au niveau de l’Union européenne. Car si les mesures établies donnent globalement satisfaction pour nombre d’entre eux, deux polluants posent problème : le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM 10 et PM 2,5).

Les concentrations en NO2 sont fixées depuis 2010 à 40 mg/m3. Et elles sont systématiquement dépassées dans plusieurs stations de mesure proche des axes routiers. Elles proviennent principalement  du transport routier (deux tiers) et des équipements de combustion du chauffage des bâtiments (un tiers).

Des émissions qui altèrent la qualité de l’air

Les particules fines PM 10, quant à elles, sont en majorité (45 %) formées par d’autres polluants (NH3, SO2, NO2) et en partie (30 %) émis directement par les gaz d’échappement des moteurs (en particulier diesel) et des équipements de chauffage (mazout et surtout bois) et 25 % sont d’origine naturelle (pollens, …).

Au vu des coefficients d’émission de particules fines des équipements de chauffage au bois, Bruxelles environnement s’inquiète de l’impact de leur utilisation en région bruxelloise sur la qualité de l’air. Il apparaît que les feux ouverts et les poêles d’appoint ne disposant pas d’un certificat d’efficacité sont à proscrire ou à remplacer par des équipements modernes, efficaces ou écolabélisés.

Quant à la promotion du chauffage au bois, Bruxelles Environnement n’y est pas favorable.