La Belgique prépare la production et le transport à grande échelle d’hydrogène vert

Le consortium Fluxys, Eoly et Parkwind compte produire de l’hydrogène vert dans le port de Zeebruges ou d’Anvers. Tandis que 7 acteurs industriels s’allient pour le transporter vers les consommateurs. Le stockage inter saisonnier de l’éolien offshore, c’est pour bientôt !

C’est l’un des événements les plus attendus dans le secteur de l’énergie durable en Belgique : la production et le transport d’hydrogène vert à grande échelle.

En effet, l’hydrogène constitue le vecteur idéal pour stocker les productions d’électricité éolienne et solaire quand elles sont abondantes – beaucoup de vent en hiver et de soleil en été – puis restituer cette électricité sur le réseau quand le vent et le soleil font défaut et que les productions renouvelables sont donc plus faibles.

On parle de stockage inter saisonnier : les surplus solaires de l’été pourront être consommés à d’autres saisons, tout comme les surplus hivernaux de l’éolien, afin de fournir une électricité renouvelable tout au long de l’année.

Le stockage sous forme d’hydrogène s’avère plus facile que par batterie. En tant que gaz, il peut être injecté tel quel dans le réseau gazier existant ou être compressé et conservé dans des conteneurs conçus à cet effet.

La croissance des productions renouvelables en Europe ouvre de réels intérêts économiques pour développer ce vecteur.

L’Allemagne et les Pays-Bas, notamment, préparent des productions industrielles d’hydrogène vert.

En Belgique, la forte croissance du parc éolien en mer du Nord et ses records de production poussent également les acteurs industriels à développer ce mode de stockage.

C’est ainsi qu’un premier consortium est né : Fluxys (gestionnaire du transport de gaz en Belgique), Eoly (producteur d’énergies renouvelables, filiale du groupe Colruyt) et Parkwind (développeur éolien offshore) se sont associés pour produire de l’hydrogène vert à grande échelle grâce à la technologie « Power-to-gas » (lire notre article Premier projet industriel en Belgique pour convertir l’électricité verte en hydrogène).

Le consortium a bouclé récemment son étude de faisabilité et compte construire une usine d’une capacité de 12 à 25 MW, avec extension possible. Deux sites potentiels sont envisagés : le port de Zeebruges ou celui d’Anvers.

Zeebruges se situe à proximité des parcs éoliens en mer du Nord et des points d’injection de la production éolienne sur le réseau électrique belge. Le port dispose également d’un réseau gazier de grande capacité (photo ci-dessous), ce qui permettrait d’y injecter massivement l’hydrogène vert (qui serait alors mélangé au gaz naturel).

Au port d’Anvers, la capacité du réseau gazier est plus limitée mais nous sommes ici proches de grands consommateurs industriels et du plus grand cluster chimique d’Europe. Si l’usine est créée ici, elle pourrait alimenter ces clients directement en hydrogène – qui peut être utilisé tel quel dans certains process industriels – ou transformer cet hydrogène en électricité et fournir ainsi les grands consommateurs d’électricité.

A ce sujet, lire également notre article L’éolien en mer veut répondre à la consommation électrique des industriels belges.

Développer le transport d’hydrogène

Outre la production d’hydrogène, l’enjeu consiste donc également à transporter ce gaz vers les consommateurs.

C’est pourquoi 7 grands acteurs industriels belges – Deme, Engie, Exmar, Fluxys, WaterstofNet et les ports de Zeebruges et d’Anvers – ont récemment signé un accord de collaboration pour coordonner leurs savoir-faire respectifs et franchir ainsi une étape importante vers une économie belge de l’hydrogène, indiquent-ils dans ce communiqué.

Les partenaires réaliseront une analyse commune de la chaîne d’importation et de transport de l’hydrogène afin de cerner tous les aspects financiers, techniques et réglementaires de la chaîne logistique totale : production, chargement et déchargement, transport par mer et par pipe-line. Cette analyse doit leur fournir une feuille de route sur la meilleure manière de transporter l’hydrogène jusqu’à ses différents utilisateurs dans le secteur de l’énergie et de la chimie. Ses résultats sont attendus d’ici fin 2020 et constitueront la base de projets concrets.

L’hydrogène vert devrait donc bientôt se développer à grande échelle dans la transition énergétique belge.

Parmi les acteurs belges très actifs sur ce terrain, le groupe Colruyt souhaite produire et consommer massivement de l’hydrogène vert, notamment pour faire rouler ses camions (lire notre article Colruyt carbure à l’hydrogène vert).

Au niveau international, l’émergence de l’hydrogène pourrait profondément modifier l’approvisionnement énergétique de l’Europe.

En effet, face à l’épuisement des énergies fossiles, les pays producteurs de pétrole pourraient bientôt exporter de l’électricité solaire stockée sous forme d’hydrogène. Une étude et de nouvelles réalités économiques tendent à le montrer (lire notre article Comment l’Arabie Saoudite pourrait nous vendre du renouvelable demain).

Verdir le secteur du gaz

L’Europe importe massivement du gaz naturel – principalement de Russie – pour l’utiliser à différentes fins : production d’électricité, process industriels, transport, chauffage, …

A titre d’exemple, Fluxys, gestionnaire du transport de gaz en Belgique et détenu par les communes belges, investit encore massivement dans des gazoduc, notamment en vue d’importer du gaz d’Azerbaïdjan (lire cette enquête de Médor).

Or la combustion du gaz naturel émet de grandes quantités de CO2, principal responsable du réchauffement climatique.

L’Europe souhaite désormais atteindre un système énergétique décarboné et 100% renouvelables d’ici 2050. Les politiques climatiques belge et européenne doivent donc inciter et contraindre les acteurs économiques à abandonner progressivement les énergies fossiles et à investir dans les sources renouvelables. Il s’agit notamment de remplacer le gaz naturel par du gaz vert.

Ce gaz vert peut être produit de différentes manières :

  • Par biométhanisation, à partir de déchets organiques (lire notre article Le biogaz pourrait alimenter 1 foyer wallon sur 2 ).
  • Par la technologie du « Power-to-gaz », qui transforme l’électricité verte (éolienne et photovoltaïque) en hydrogène ou en gaz de synthèse.

Selon la Green Gas Platform, la Belgique peut atteindre 100% de gaz vert d’ici 2050.

Ce schéma de Fluxys montre les dilemmes et défis posés par cette transition :