Dans son rapport 2016 sur la Belgique, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) dresse un bilan statistique et politique de l’énergie. Bien que la sortie du nucléaire soit au centre des débats politiques actuels, il ne faut pas oublier la vision à long terme de l’AIE.
Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur la Belgique n’est pas passé inaperçu dans la presse de ce mois de mai 2016. Il est vrai que le secteur de l’énergie, et plus largement tous les secteurs d’activités, gardent une oreille attentive aux perspectives énergétiques du pays. Que ce soit pour des points de vue environnementaux, climatiques, de prix ou d’opportunité de développement, il y a unanimité sur les attentes de tous : la Belgique doit inscrire ses politiques dans une stratégie énergétique à long terme et surtout s’y tenir.
Or la saga belge du nucléaire démontre tout le contraire.
La sortie du nucléaire a été décidée en 2003 et, 13 ans plus tard, il est risible de voir les politiques se poser toujours la même question : Comment en sortir ? Les gouvernements qui se sont succédé n’ont pris aucunes décisions permettant une transition, ce qui était la meilleure manière d’agir pour justement … ne pas en sortir (lire notre article Sortie du nucléaire : Et maintenant ? ).
C’est d’ailleurs ce que sous-entend aujourd’hui l’une des quatre recommandations clés de l’AIE dans le résumé exécutif de son rapport 2016 : « La Belgique doit donner une haute priorité au manque de capacité de production électrique et clarifier le rôle du nucléaire dans le mix énergétique après avoir soigneusement évalué si une sortie rapide du nucléaire – comme actuellement planifiée – est faisable et raisonnable dans la perspective d’une sécurité d’approvisionnement électrique, de la réduction des gaz à effet de serre et du coût de revient de l’électricité. »
Cette recommandation a été mise en avant par la ministre fédéral de l’Energie Marie-Christine Marghem pour justifier sa décision de prolonger les 2 plus anciens réacteurs belges, Tihange 1 et Doel 2. La ministre rappelle ainsi dans un communiqué qu’elle « se réjouit que l’AIE souligne l’importance pour la Belgique de permettre que les centrales nucléaires produisent de l’électricité aussi longtemps qu’elles répondent aux normes de sûreté imposées par l’Agence fédérale de contrôle nucléaire dans la mesure où cela permettra de réduire le coût de la production d’électricité à moyen terme ».
Le problème est que, au terme de l’année 2023, la sortie sera d’autant plus coûteuse et difficile car il s’agira de remplacer la production de 6000 MW de puissance en deux ans, entre 2023 et 2025. La non-prolongation de Tihange 1 et Doel 2 était justement une opportunité pour donner un signal clair au marché, ouvert à de nombreux opérateurs prêts à investir dans des nouvelles solutions. Les efforts déployés par le Gouvernement fédéral actuel pour organiser cette prolongation du nucléaire auraient été bien utiles pour organiser une transition, c’est-à-dire un cadre économique et règlementaire capable de stimuler de nouveaux investissements dans les autres sources d’énergie. De quoi permettre à la Belgique de diminuer la prédominance d’une seule ressource et d’un seul opérateur sur me marché de la production d’électricité.
Investir dans l’efficacité énergétique, les renouvelables et le réseau
Dans leur communiqué de presse, « les organisations environnementales tiennent à rappeler qu’il existe de nombreux scénarios qui indiquent que la fermeture de toutes nos centrales nucléaires en 2025 tout en répondant au défi climatique est tout à fait possible. Cela passe notamment par l’application des autres recommandations de l’AIE : investir dans l’efficacité énergétique – surtout dans le bâtiment, dans les énergies renouvelables et dans une meilleure interconnexion du réseau. »
« L’AIE pointe à juste titre l’énorme dépendance de la Belgique aux énergies fossiles et fustige notamment le système des voitures de société. C’est en effet là que se trouvent les solutions à la crise climatique et non dans l’attachement à un parc nucléaire en fin de vie », conclut Olivier Beyts du WWF.
Notons également que les entreprises du secteur renouvelable appellent la ministre Marghem à adopter une vision intégrée et cohérente de l’énergie pour la Belgique (lire notre article Appel des entreprises belges pour une vision énergétique intégrée).
Figure : Extrait de l’observatoire belge de l’énergie
Que trouve-t-on dans ce rapport ?
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) propose des statistiques « énergie » de la plupart des pays du monde. Cette base de données permet de suivre les évolutions des principaux indicateurs énergétiques : bilan du pays, consommation primaire, consommation finale, par vecteurs énergétiques (charbon, pétrole, gaz naturel, électricité, énergie nucléaire, énergies renouvelables) et par secteur d’activité (industrie, transport, logement et tertiaire), …
Les 29 pays membres de l’AIE sont périodiquement analysé plus en profondeur et donne lieu à un rapport spécifique du pays. Le dernier rapport de la Belgique datait de 2009. Une nouvelle analyse vient donc de paraître. Elle a été présentée officiellement ce 19 mai 2016.
« Belgium 2016 review » est un rapport de 176 pages. Il comporte 3 parties :
- Evolution des principaux indicateurs statistiques et de politique menée en matière d’approvisionnement énergétique, d’impacts sur le climat (émissions de CO2 du secteur énergétique et mesures d’adaptation) et de la consommation finale d’énergie et des mesures d’efficacité énergétiques.
- Evolution des principaux indicateurs statistiques de consommation, d’infrastructure et de marché des principales formes d’énergie : produits pétroliers, charbon, gaz naturel, électricité, énergies renouvelables et énergie nucléaire.
- Evolution des politiques de recherche en énergie au niveau Fédéral et des Régions.
Les analyses de l’AIE s’accompagne de recommandations proposées aux Gouvernements en lien avec les neufs objectifs partagés par les membres de l’AIE :
- Un secteur énergétique diversifié, efficace et flexible
- Un système énergétique ayant la capacité de répondre rapidement aux situations d’urgence
- Accroître la soutenabilité environnementale de l’énergie
- Des sources énergétiques acceptables pour l’environnement
- Accroître l’efficacité énergétique
- Soutenir la recherche et le développement des marchés de technologies nouvelles
- Un juste prix de l’énergie permettant aux marchés de fonctionner efficacement
- Un marché de l’énergie libre, ouvert et concurrentiel
- Une coopération entre tous les acteurs du marché de l’énergie
Quelques extraits statistiques du rapport
Renouvelle vous propose ci-après des extraits qui illustrent notre forte dépendance aux énergies fossiles au travers de l’évolution de la consommation d’énergie primaire (TPES) et d’énergie finale (TFC). Et ensuite l’évolution des origines d’importation belge de pétrole et du gaz naturel consommé en Belgique. Nos principaux fournisseurs sont la Russie pour le pétrole et les Pays-Bas pour le gaz naturel.
Evolution de l’approvisionnement avec l’indicateur « TPES »
Evolution de la consommation finale d’énergie avec l’indicateur « TFC»
Evolution des importations belge de pétrole par pays d’origine
Evolution des importations belge de gaz naturel par pays d’origine