Impossible voici 10 ans, le scénario 100% renouvelables devient réalité

Voici 10 ans, l’objectif d’atteindre 13% d’énergies renouvelables en Belgique d’ici 2020 était jugé « impossible ». Aujourd’hui, tous les acteurs belges et européens s’engagent dans un objectif de 100% d’ici 2050. Voici ce qui a changé et ce qui nous attend.

Pourquoi c’était « impossible »

Petit retour vers le futur pour mieux comprendre les enjeux en cours et à venir.

En 2008, l’Europe présente pour la première fois des objectifs Energie-Climat importants : réduire de 20% ses émissions de CO2, porter la part des énergies renouvelables à 20% et améliorer l’efficacité énergétique de 20%, le tout à l’horizon 2020.

Chaque Etat membre se voit attribuer un objectif national pour contribuer au plan européen. L’Allemagne décide d’emblée de réaliser des efforts supérieurs à ceux qui lui sont demandés.

La Belgique, par contre, dénonce l’objectif de 13% d’énergies renouvelables qui lui est attribué, pourtant inférieur à la moyenne européenne.

Dans une lettre adressée au président de la Commission européenne, le premier-ministre belge Guy Verhofstadt juge ainsi que « 7,6% serait déjà un objectif ambitieux pour la Belgique, vu son faible potentiel, sa densité de population, et la présence sur son sol d’une industrie très énergivore. »

A l’époque, le politique et les acteurs de l’énergie n’y voient aucunes opportunités et estiment qu’il faut réaliser ces objectifs en dehors du territoire belge, par l’achat massif de « droits de polluer » à l’étranger et par le recours au mécanisme de garantie d’origine qui permet de produire de l’énergie renouvelable dans un pays tiers et d’en comptabiliser le bénéfice environnemental pour la Belgique, ce que Greenpeace devait à l’époque dénoncer.

Fin 2008, une étude du Bureau du Plan démontre cependant que cet objectif de 13% est réalisable. La fédération des entreprises de Belgique (FEB) réagit aussitôt en jugeant que « cet objectif n’est pas adapté au potentiel de notre pays. »

Le secteur énergétique centralisé et le politique se montraient ainsi incapables d’imaginer un autre avenir.

Pourquoi c’est devenu possible

La Belgique vient précisément de passer le cap de 7,6% d’énergies renouvelables – jugé ambitieux par Guy Verhofstadt -, dans une dynamique pas précisément exemplaire. Le marché poursuit sa croissance, tandis que les politiques belges et européennes s’engagent désormais sérieusement dans une transition 100% renouvelables d’ici 2050.

En 10 ans, que s’est-il passé ? Quelques évolutions marquantes :

  • La communauté scientifique internationale (GIEC) a conscientisé la société civile et le politique sur les enjeux climatiques,
  • La volatilité du prix du pétrole a fragilisé les économies européennes,
  • Les productions renouvelables – éoliennes et photovoltaïques en particulier – ont fait leurs preuves sur le réseau électrique,
  • Les premières réglementations PEB et basse-énergie ont été implémentées,
  • La catastrophe nucléaire de Fukushima a marqué les esprits sur les dangers de l’uranium,
  • L’Allemagne s’est engagée dans une transition énergétique inédite et exemplaire pour l’Europe,
  • Les collectivités locales et les entreprises ont investi dans leur autonomie énergétique pour assurer leur développement,
  • Les énergéticiens ont commencé à mettre en œuvre un réseau européen intelligent capable d’intégrer massivement les productions renouvelables et de les stocker.
  • Le marché des énergies renouvelables s’est avéré plus dynamique et plus compétitif que prévu.

 

Pourquoi la transition sera plus rapide que prévu

Avec un recul de 10 ans, le secteur des énergies renouvelables est aujourd’hui capable d’imaginer la transition énergétique qui nous attend. Et elle sera plus rapide que prévu.

Nous assistons en effet à une chute spectaculaire des prix de production éolienne et photovoltaïque (lire notre article 2017 ou la victoire économique du solaire et de l’éolien), ce qui rend désormais ces technologies plus compétitives que les centrales classiques, comme le montre également la dernière étude de IRENA.

Pour assurer la transition, les énergies renouvelables ont besoin d’importantes capacités de stockage, afin d’approvisionner le réseau électrique à tout moment, même sans soleil ni vent.

Or, selon un autre rapport de IRENA, le coût de stockage par batteries pour les applications électriques stationnaires sera divisé par trois d’ici 2030 (lire notre article Stockage: Le coût des batteries en chute libre d’ici 2030). Cette baisse des coûts est plus rapide encore que celle connue pour les productions éolienne et photovoltaïque.

D’autre part, la récente étude de l’ADEME montre toute la crédibilité du stockage inter saisonnier de l’électricité estivale excédentaire, sous forme de gaz, pour la réutiliser lors des périodes déficitaires. Ce qui rendrait la France indépendante en gaz de manière économiquement tenable à l’horizon 2050.

Voici un tableau et un graphique extraits de cette étude :

Dans un contexte international, les nouvelles technologies de stockage changent déjà la géopolitique de l’énergie.

En effet, face à l’épuisement des énergies fossiles, les pays producteurs de pétrole pourraient bientôt exporter de l’électricité solaire stockée sous forme d’hydrogène. Une étude et de nouvelles réalités économiques tendent à le montrer (lire notre article Comment l’Arabie Saoudite pourrait nous vendre du renouvelable demain).

Ce qui n’a pas changé

Le discours politique. Globalement, il faut constater que le politique – à part quelques exceptions très isolées – freine toujours des quatre fers, à l’instar des opposants aux Pacte énergétique belge (lire notre analyse).

La construction de la société occidentale s’est basée sur le schéma centralisé de l’énergie. Ce modèle est maîtrisé par un petit nombre d’acteurs et contribue de manière importante aux finances de l’Etat. En effet, les factures d’énergie sont une source de revenus conséquente pour l’Etat et les communes.

La révolution énergétique doit intégrer cette dimension, mais nous attendons toujours l’émergence d’une créativité politique par rapport au développement d’un modèle sociétal solidaire qui nous permette de passer à 100% d’énergies renouvelables, par essence décentralisées.

La transition est aujourd’hui en marche et sera, potentiellement, beaucoup plus forte que le système actuel, puisqu’elle s’appuiera sur des sources disponibles localement, inépuisables et non-polluantes. Le monde politique devrait s’inspirer de l’Histoire récente en regardant les évolutions de ces 10 dernières années… par rapport à ce qu’on en disait en ce temps-là !

 

Nietzsche (philosophe, poète, pianiste et compositeur)
L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue.

 

Marc Bloch (Historien)
L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent : elle compromet, dans le présent, l’action même.

 

Antoine Prost (Historien)
Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir, nous avons d’abord un devoir d’histoire

 

Fustel de Coulanges (Historien)

L’histoire ne nous dira sans doute pas ce qu’il faut faire, mais elle nous aidera peut-être à le trouver.