Jusqu’où, et comment, la Région bruxelloise peut-elle tirer profit de son potentiel géothermique pour répondre à ses enjeux énergétiques et climatiques ? Début de réponse dans le projet Brugeo 2016-2020.
De la géothermie pour rapprocher la Région bruxelloise de ses objectifs climatiques ? Vous plaisantez : on n’est pas en Islande ou en Toscane! Soit, mais on ne parle pas ici de géothermie profonde, mais de forages à petite ou moyenne profondeur : moins de 250 mètres. 35 puits géothermiques de ce type ont déjà été forés dans le sous-sol de la capitale, par exemple à l’hôpital Delta Chirec en cours de construction (photo ci-dessous). Et ces puits sont opérationnels. On pourrait même aller beaucoup plus loin, à en croire les initiateurs de Brugeo, un projet destiné à valoriser le potentiel géothermique bruxellois. Car on parle ici d’une source d’énergie renouvelable valorisable pour répondre à des besoins de chauffage ou de climatisation de certains bâtiments.
Et en termes de projets géothermiques, la Belgique n’en est qu’à ses débuts. Il faut aller à plusieurs milliers de mètres pour atteindre des températures supérieures à 80°C, seuil minimum pour pouvoir produire de l’électricité. Des projets à haute profondeur sont bien en place en Wallonie à St Ghislain et Dour ; tandis qu’en Flandre, le VITO prévoit la mise en place d’un projet à haute profondeur pour 2019.
Mais à court terme, la géothermie en Belgique va vraisemblablement se déployer dans des applications thermiques à basse température : chauffage ou refroidissement.
L’EGEC, fédération européenne de la géothermie, identifie les grands bâtiments du tertiaire et de logements, ainsi que les serres agricoles, comme des cas de figure très prometteurs pour la mise en œuvre de projets géothermiques rentables. Et cette perspective concerne aussi les bâtiments de la Région bruxelloise.
L’hôpital Delta Chirec compte l’un des 35 puits géothermiques opérationnels à Bruxellles.
Coupe géologique Ouest-Est de la Région bruxelloise
A Bruxelles, la géothermie s’envisage uniquement pour des applications à basse température très peu profonde (<10 m) ou peu profonde (10 – 300m).
Pour les zones peu profondes, selon la profondeur et la localisation du site, les puits géothermiques vont pouvoir aller exploiter les aquifères localisés dans trois zones géologiques : la nappe d’eau dans le sable bruxellien (dans la zone plus élevée de Bruxelles), la nappe d’eau dans le sable landenien (sable d’Hannut), et plus en profondeur dans les couches rocheuses sous-jacentes.
Source : G. Van Lysebetten (CSTC)
Une technologie éprouvée
Pour les systèmes basse température, la chaleur extraite du sous-sol bruxellois est de l’ordre de 15°C tout au long de l’année. Prise en relais par une pompe à chaleur, elle peut parfaitement suffire pour le chauffage (et le refroidissement) d’un bâtiment (tertiaire ou logement collectif) bien isolé comme il s’en construit désormais selon les nouvelles normes régionales.
La technologie – systèmes fermés ou ouverts – est aujourd’hui parfaitement maîtrisée. Seule une connaissance fine du sous-sol bruxellois fait encore défaut pour dimensionner au plus juste les installations en fonction de la localisation et de la nature du sol (conductivité thermique des différentes couches, paramètres des aquifères, etc.). C’est l’objectif principal du projet Brugeo lancé sur quatre ans (2016-2020) par la Région bruxelloise avec le soutien du Fonds européen FEDER : cartographier la situation géothermique de Bruxelles pour mieux cerner le potentiel à valoriser.
Différents partenaires scientifiques et techniques mettent leurs compétences à contribution : ULB (Service BATir), VUB (Département Hydrologie et d’Ingénierie Hydraulique), les géologues de l’IRNSB (Institut royal des Sciences naturelles de Belgique), Bruxelles-Environnement, le CSTC (Centre Scientifique et Technique de la Construction), …
Objectifs :
- mettre en commun les données relatives au sous-sol bruxellois ;
- réaliser de nouveaux essais de laboratoire et de terrain (deux nouveaux forages tests sont actuellement en cours dans le Bois de la Cambre – photo ci-dessous) ;
- réaliser une cartographie permettant d’estimer l’énergie pouvant être fournie ou absorbée par le sous-sol en un lieu donné en fonction de la profondeur du forage et du système géothermique choisi ;
- actualiser le cadre réglementaire relatif à ce type d’installation
- renforcer l’information des professionnels, des citoyens et de l’administration sur les apports encore méconnus de cette technologie.
Des professionnels méfiants
En cause, une profonde méconnaissance des technologies utilisées. Le grand public connaît essentiellement les applications à grande profondeur – plus spectaculaires. Tandis que les professionnels (architectes, bureaux d’étude, foreurs, installateurs) appréhendent mal les projets géothermiques.
Généralement peu familiarisés avec les lois de la thermodynamique (beaucoup ne comprennent pas bien le fonctionnement quasi ‘magique’ d’une pompe à chaleur), ces derniers hésitent encore à s’engager sur cette voie technologique.
Les implications techniques et administratives liées aux forages leur paraissent insurmontables, le fonctionnement des pompes à chaleur aléatoire, leur fiabilité à long terme incertaine, les temps de retour illusoires au regard de coûts généralement surestimés, etc.
Bref, à (presque) tous les coups, les professionnels lui préfèrent les solutions plus éprouvées et sûres, à leurs yeux. D’où l’accent mis dans Brugeo sur l’information et la communication.
Rendez-vous d’ici trois ans pour imaginer le futur géothermique de Bruxelles.