L’Allemagne va taxer les vols aériens et rendre le train moins cher. Les Pays-Bas interdisent les vols entre Amsterdam et Bruxelles, remplacés par des Thalys. Les trains de nuit reviennent en Belgique. Et en France, les TGV low-cost concurrencent désormais l’avion.
Au vu des enjeux climatiques, est-il normal de continuer à favoriser le transport aérien, exonéré de toute contribution environnementale, au détriment des transports moins polluants comme le train ?
Plusieurs pays européens – dont la Belgique et les Pays-Bas – souhaitent mettre fin à cette concurrence déloyale et réfléchissent à instaurer une taxe sur les billets d’avion et sur le kérozène (défiscalisé depuis …1944, pour soutenir la compétitivité du secteur aérien). Le secteur aérien a même réussi a être exempté des Accords de Paris sur le Climat.
Tout l’enjeu est là : rendre le train plus attractif que l’avion, sur les courtes et moyennes distances en Europe.
L’Allemagne, pionnière en matière de transition énergétique, l’a très bien compris et son Gouvernement vient d’adopter trois mesures exemplaires, dans le cadre de son Plan Climat 2030, qui s’appliqueront en 2020 :
- Une hausse de la taxe sur les billets d’avion court, moyen et long-courriers : le billet augmentera de 6 à 17€, selon la distance parcourue.
- Une baisse de 19% à 7% de la TVA sur les billets de train longue distance.
- Pour les navetteurs ferroviaires, une augmentation de l’indemnité, qui passera de 5 à 35 cents/km, et de la prime Mobilité pour les bas revenus.
Par ailleurs, le gouvernement a exprimé son intention d’injecter 86 milliards d’euros supplémentaires pour moderniser l’infrastructure ferroviaire – pour voyageurs et marchandises – et augmenter ainsi les capacités de la Deutsche Bahn d’ici à 2030.
Les recettes fiscales du trafic aérien visent donc clairement à développer et encourager l’alternative du rail.
Lire les communiqués officiels : avion – train – Plan Climat 2030 – Transport
La France a également adopté une écotaxe aérienne, qui s’appliquera dès janvier 2020, et dont les recettes financeront des modes de transports plus écologiques, notamment le train.
Tandis que 9 pays européens – dont la Belgique – travaillent activement à la mise en place d’une taxe européenne sur l’aviation (lire les articles de Euractiv et du Moustique).
Remplacer les « sauts de puces »
Autre initiative intéressante : le Parlement des Pays-Bas a voté en mars 2019 l’interdiction des vols entre Amsterdam et Bruxelles. Motif : cette liaison peut facilement se faire en Train Grande Vitesse (TGV), dans un temps similaire, avec quasi 5 fois moins d’émission carbone.
La compagnie aérienne visée, KLM, s’y montre favorable, pour des raisons pragmatiques – l’aéroport de Amsterdam-Schiphol est saturé – et remplacera, à partir du 29 mars 2020, son vol quotidien par un trajet en train, en partenariat avec les compagnies ferroviaires Thalys et NS (lire cet article de Railtech.com).
Cette décision pourra servir d’exemple ailleurs en Europe, pour remplacer de nombreux « sauts de puces » (vols courtes-distance) par des trajets sur rail.
Renaissance des trains de nuit
En déclin depuis 20 ans en Europe de l’Ouest (et abandonnés en Belgique depuis 2003), en raison de la concurrence aérienne, les trains de nuit font actuellement un retour remarqué, sous l’impulsion dynamique de la compagnie autrichienne ÖBB et son service Nightjets.
En réponse à un public conscient du Climat, l’opérateur ne cesse d’étendre son réseau, déjà rentable, et assurera, à partir de janvier 2020, un train de nuit entre Bruxelles et Vienne, deux fois par semaine, avec un arrêt probable à Liège et Aix-la-Chapelle.
C’est une excellente nouvelle pour les citoyens belges qui voudraient tester un voyage plus respectueux du climat, car ces services nocturnes sont réellement capables de concurrencer l’avion sur de plus longues distances en Europe.
Lire notre article Les trains de nuit ou comment voyager proprement en Europe.
La compagnie ÖBB, déjà active dans les pays voisins de l’Autriche, développe désormais son réseau vers le Benelux.
L’atout du train-couchette est simple et pourtant génial : le passager voyage durant son sommeil, si bien que le trajet lui semble finalement vite passé – contrairement aux longues attentes et contrôles aux aéroports. Ce mode de transport permet également d’éviter les frais d’une nuit d’hôtel, ce qui rend le prix du billet plutôt bon marché (en réservant tôt, un trajet-couchette entre Düsseldorf et Vienne coûte 49€).
Le temps de trajet paraît finalement assez court : on se couche le soir dans une ville et on se réveille le lendemain matin dans une autre ville, pourtant lointaine.
Lire notre article Vacances sympas en Europe, sans trop de carbone.
Selon Andreas Matthä, CEO de ÖBB, les Nightjets transportent déjà plus de 1 million de voyageurs et devraient atteindre 5 millions d’ici 2020.
Pour les voyageurs, un choix environnemental
La compagnie ferroviaire autrichienne, soutenue par le Gouvernement hollandais, annonce également une extension de son service nocturne vers les Pays-Bas, avec des liaisons Amsterdam-Innsbruck/Vienne à partir de décembre 2020.
Cette décision fait suite à une étude, publiée par l’Institut hollandais de la Politique de Mobilité, qui montre un grand potentiel pour le développement des services de nuit à partir des Pays-Bas, et notamment vers Vienne, Munich, Zürich, Prague, Turin et Milan, avec une fréquentation annuelle estimée entre 700.000 et 1 million de passagers.
Une forte demande qui s’explique, ici aussi, par un public de plus en plus conscient de son impact environnemental (lire cet article du International railway Journal).
Le Gouvernement hollandais investira 6,7 millions € sur la période 2021-2024 pour assurer ce développement international des trains-couchettes (lire cet article du International Railway Journal).
En France, le succès des TGV Ouigo
Enfin, en France, l’expérience des TGV low-cost Ouigo, lancés en 2013 par la SNCF, étend désormais son réseau à de nombreuses grandes villes, ce qui explique la forte croissance de fréquentation avec 18 millions de voyageurs en 2019, soit 15% du trafic à grande vitesse (lire cet article du journal Le Monde).
Cette offre très bon marché, qui permet de travers la France à partir de 16€, a réussi à capter une nouvelle clientèle : un passager sur deux ne prenaient pas le train auparavant, et ont donc abandonné la voiture ou l’avion.
Et cette croissance ferroviaire va se poursuivre avec l’arrivée prochaine en France d’autres opérateurs, notamment le nouveau service TGV espagnol low-cost EVA.
Or, ce développement du rail à grande vitesse va concurrencer le trafic aérien, comme le déclarait en 2016 Jean-Marc Janaillac, le PDG d’Air France-KLM, dans une interview à La Tribune : « Sur toutes les destinations sur lesquelles le TGV a été lancé, il y a eu un impact défavorable pour le trafic aérien. Nous adapterons l’offre en fonction de l’évolution de la demande mais nous mettrons tout en œuvre pour cet effet soit le plus limité possible »,