Europe : changements législatifs en vue

La Commission européenne a récemment lancé et finalisé pas moins de quatre consultations publiques. Objectif : évaluer les directives relatives à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables afin de les renouveler pour la période 2020-2030. Analyse.

Le 25 février 2015, la Commission européenne adoptait 10 domaines d’action prioritaires, parmi lesquels l’Union de l’Energie et du Climat. Celle-ci vise à offrir une énergie abordable, sûre et durable à l’Europe et à ses citoyens. Les mesures spécifiques prévues portent sur 5 grands volets étroitement liés et qui se renforcent mutuellement : la sécurité énergétique, un marché de l’énergie interconnecté, l’efficacité énergétique, la décarbonisation de l’économie et la recherche et l’innovation en matière énergétique.

Par ailleurs, l’Europe s’est fixé 3 grands objectifs pour 2030 : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990), porter la part des énergies renouvelables à au moins 27 % de la consommation finale et améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27 %.

Dans cette perspective, la Commission européenne prépare actuellement le renouvellement de son cadre législatif pour accompagner la politique européenne au-delà de 2020. Ces nouvelles directives seront élaborées spécifiquement pour la période 2020-2030 en continuité des objectifs dits « 20-20-20 » et en tenant compte de la feuille de route à l’horizon 2050 qui vise une réduction de 80 à 95% les émissions de CO2 entre 1990 et 2050 (lire notre article L’Europe définit sa stratégie énergétique pour 2050).

Quatre consultations publiques ont été lancées et finalisées en vue de préparer ces changements législatifs. En voici l’analyse.

Consultation «  Evaluation de la directive relative à la performance énergétique »


Clôturée le 31 octobre 2015, la consultation publique visait à évaluer les acquis et les progrès réalisés depuis l’adoption de la Directive 2010/31/EU relative à la performance énergétique des bâtiments. La directive exige des États membres qu’ils fixent des normes de performance énergétique pour les bâtiments, qu’ils délivrent des certificats de performance énergétique des bâtiments, et qu’ils fassent en sorte que, d’ici fin 2020, tous les nouveaux bâtiments soient NZEB c’est-à-dire « à consommation d’énergie quasi-nulle ». La directive a mis en place un système d’analyse comparative qui vise à inciter à rendre plus ambitieuses les exigences de performance énergétique fixées par les codes de construction nationaux ou régionaux, et à garantir le réexamen régulier de ces exigences.

La consultation met en évidence le rôle bénéfique de la directive. Elle a permis d’améliorer la performance énergétique des nouveaux bâtiments dans les différents Etats membres. Par contre, son effet sur la rénovation du bâti existant est plus mitigé. Une synthèse des résultats  la consultation est actuellement en ligne.

Consultation «  Révision de la directive relative à l’efficacité énergétique »

Clôturée le 29 janvier 2016, la consultation publique visait à  recueillir  les  avis  et  les  suggestions  des différentes  parties  prenantes  et  de  particuliers  en  vue  de  la  révision  de  la  directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

L’Union européenne met en œuvre des politiques d’efficacité énergétique depuis déjà quelque temps, et des résultats tangibles ont été obtenus. La directive relative à l’efficacité énergétique, la directive sur la performance énergétique des bâtiments, la directive sur l’étiquetage énergétique et la directive sur l’écoconception sont les pierres angulaires du cadre législatif actuel en matière d’efficacité énergétique.  Selon la Commission européenne, de  nombreuses  politiques  liées  au  climat,  telles  que  les  normes applicables aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires légers en matière de CO2, apportent également une contribution importante à l’amélioration de l’efficacité énergétique.

La synthèse des résultats de la consultation publiée le 26 février 2016, mentionne l’intérêt du mécanisme d’obligations en matière d’efficacité énergétique (EEOS) qui concerne les distributeurs et fournisseurs d’énergie au détail. La consultation indique également que la Commission doit s’intéresser davantage au secteur du transport et organiser le monitoring de l’efficacité énergétique des Etats membres avec des sanctions à la clé en cas de non-respect des objectifs fixés. A ce sujet, les indicateurs de suivi de l’efficacité énergétique doivent être amélioré, rationalisé et standardisé pour être plus précis, vérifiable et indépendants.  En ce qui concerne les investissements en efficacité énergétiques des pouvoirs publics, ils doivent pouvoir bénéficier d’un régime comptable particulier pour ne pas être empêché par les règles d’austérité. Enfin, une attention particulière doit être apportée à la cyber sécurité dans le cadre du développement des smart-meters.

Consultation « REDII » – Directive énergies renouvelables 2020-2030

 

Clôturée le 10 février 2016, la consultation publique visait à préparer la nouvelle directive énergies renouvelables – « REDII » – qui remplacera la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. REDII se profile avec une structure en cinq axes :

1- Etablir un cadre légal en continuité avec la directive actuelle 20-20-20

2- Renforcer les moyens aux consommateurs, y compris les collectivités et les coopératives.

3- Décarboner le secteur de la chaleur et du froid. En effet, aujourd’hui, 80 à 90% de cette production de chaleur repose sur du gaz et du pétrole importé.

4- Adapter les règles de marché de l’énergie et retirer les barrières pour mieux tenir compte des externalités et faciliter l’intégration des renouvelables sur le marché.

5- Accroître les renouvelables dans le transport, en développant les bio-carburants bas carbone et autres carburants alternatifs, ainsi que les véhicules électriques et à hydrogène.

Consultation « Durabilité des bioénergies »

 

La durabilité de la biomasse-énergie a fait l’objet d’une évaluation spécifique. Clôturée le 10 mai 2016, la consultation publique visait à estimer la pertinence de mettre en place un cadre règlementaire sur la durabilité de l’ensemble des bioénergies pour l’après 2020. Actuellement, seul les biocarburants et les bioliquides disposent de critères de durabilité contraignants. Les combustibles solides ou gazeux issu de la biomasse  pourraient se voir appliquer des critères de durabilité spécifiques (lire notre article Biomasse solide : à quand des critères de durabilité clairs ?).

Pour chaque type de biomasse et son utilisation, la Commission demande de se positionner sur l’influence que devrait avoir la future législation sur le développement des différentes filières. Elle interroge sur :

  • La compétition des usages de la biomasse ;
  • La neutralité carbone (émissions biogéniques) ;
  • L’impact des changements indirects d’affectation des sols ;
  • L’impact des bioénergies sur la qualité de l’air.

Le 28 avril 2016 à Gembloux, lors du midi de la ValBiom consacré aux critères de durabilité de la biomasse, l’AEBIOM a présenté la position du secteur européen de la bioénergie. AEBIOM plaide pour une politique harmonisée au niveau européen et elle rappelle que la biomasse est cruciale pour atteindre les objectifs fixés en terme de renouvelable. Elle insiste pour avoir un cadre clair et stable pour assurer la confiance des investisseurs et elle souhaite la fin  des  règles  divergentes  entre Etats membres.