Eolien et voitures électriques : comment réduire les besoins de matériaux critiques ?

Plusieurs études le démontrent : une Europe zéro carbone devra réduire les besoins ou remplacer les matières premières critiques, tels que le lithium ou les “terres rares”. Voici comment les secteurs de l’éolien et de la mobilité électrique s’y préparent. 

 

Le documentaire « La face cachée des énergies vertes », largement diffusé, accuse la voiture électrique et les technologies renouvelables de générer de nombreux dégâts écologiques, sociaux et sanitaires. Malgré de nombreuses contre-vérités, le docu a le mérite de remettre en question un modèle économique insoutenable et nous rappelle la nécessaire sobriété de la transition énergétique (lire notre article “La face cachée des énergies vertes” : un docu qui pose questions).

Nous répondons ici aux critiques relatives à l’usage de matières premières critiques, telles que les « terres rares » et le lithium, dont l’extraction pose des questions environnementales notamment.

 

L’Europe liste les matières premières jugées critiques

 

Le Green deal européen et la volonté d’atteindre un continent zéro carbone d’ici 2050 – en vue de limiter le réchauffement climatique – se traduiront par une forte croissance des technologies renouvelables et de la mobilité électrique. 

Or ces secteurs consomment certaines matières premières qui pourraient faire défaut, à moyen ou long terme. 

Selon les matériaux concernés, la chaîne d’approvisionnement présente ainsi des risques plus ou moins élevés et pose des questions géopolitiques, économiques, sociales, éthiques et environnementales. 

La Commission européenne a publié en septembre 2020 une étude sur les matières premières jugées critiques dans certains secteurs stratégiques (consulter l’étude Critical Raw Materials for Strategic Technologies and Sectors in the EU – A Foresight Study). 

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous (cliquer sur l’étude pour obtenir le graphique en plus grande taille, page 10), les métaux appelés “terres rares” (LREEs et HREEs) présentent par exemple le risque d’approvisionnement le plus élevé, tant pour les technologies renouvelables que pour la mobilité électrique. Ces deux secteurs sont même considérés comme étant en compétition pour leur approvisionnement de ces ressources limitées. Autrement dit, ils devront réduire et/ou remplacer les “terres rares” par des substituts pour atteindre les objectifs européens de neutralité carbone.

 

Développer des écosystèmes résilients 

 

Consciente des enjeux, la Commission européenne a initié en septembre 2020 un Plan d’action sur les matières premières critiques.  

Ce Plan vise à  :

  • développer des chaînes de valeur résilientes pour les écosystèmes industriels de l’UE; 
  • réduire la dépendance à l’égard des matières premières primaires critiques grâce à une utilisation circulaire des ressources, à la conception de produits durables et à l’innovation (schéma ci-dessous); 
  • renforcer l’approvisionnement en matières premières sur le marché intérieur de l’UE; 
  • diversifier l’approvisionnement en provenance de pays tiers et éliminer les distorsions dans le commerce international, en respectant pleinement les obligations internationales de l’UE. 

 

Concrètement, il s’agira de réduire les besoins ou de remplacer les matériaux critiques et d’investir dans la Recherche & Développement de matériaux alternatifs. 

L’Europe envisage également de relocaliser une série d’activités minières sur son territoire, afin de réduire sa dépendance au marché asiatique – et en particulier chinois. Les régions d’exploitation du charbon – Allemagne, Pologne – pourraient ainsi reconvertir leur activité vers d’autres matériaux utiles à la transition énergétique. 

Autre exemple : la Suède compte développer une filière nationale afin de sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques. 

Cette volonté de relocalisation en Europe s’accompagnera de législations environnementales plus exigeantes que celles en vigueur dans de nombreux pays d’extraction minière. 

Voici les principes de l’économie circulaire : 

 

Des éoliennes sans “terres rares” 

 

La question des “terres rares” suscite des critiques légitimes. 

En effet, l’extraction de ces métaux est néfaste pour l’environnement et la santé, notamment dans les mines illégales en Chine, principal pays exportateur. Les autorités chinoises ont cependant mené récemment des opérations pour imposer des obligations environnementales, ce qui a conduit à la fermeture de certains sites. 

Par ailleurs, le secteur éolien est particulièrement préoccupé par les risques de rupture d’approvisionnement en “terres rares”, largement utilisées dans les éoliennes offshore et dans une moindre mesure dans certaines éoliennes onshore (en Wallonie, la grande majorité des machines installées ne contiennent pas de “terres rares”). 

La fédération Wind Europe a ainsi publié en octobre 2020 un rapport sur la question (rapport réservé à ses membres : Rares earth in the wind industry). 

Le secteur éolien innove actuellement sur cet enjeu et devra notamment miser sur une plus grande efficience (écodesign) et des substituts, explique ce rapport. 

Le projet de recherche européen Ecoswing a ainsi testé avec succès la toute première génératrice éolienne avec supra conducteurs – une turbine de 3,6 MW en near-shore au Danemark (lire ce communiqué). 

Ce type de technologie permet de réduire fortement l’usage des “terres rares” : de 200 kg/MW à moins de 2 kg/MW. 

Par ailleurs, le fabricant anglais GreenSpur a développé le tout premier prototype d’éolienne offshore à aimants permanents sans “terres rares” (photo ci-dessous), en utilisant de la ferrite comme substitut (une céramique riche en fer, déchet résiduel dans la fabrication de l’acier). 

GreenSpur annonce la commercialisation d’une éolienne offshore géante de 25 MW avec ferrite en 2022 (lire cet article). 

L’entreprise anglaise GreenSpur Renewables a développé la première génératrice synchrone à aimants permanents avec de la ferrite, en substitution aux terres rares. 

 

Avec un marché des “terres rares” en déséquilibre et subissant de probables flambées des prix, il est tout à fait possible que la technologie avec ferrite – ou autres substituts – devienne la nouvelle norme dans l’industrie éolienne dans la prochaine décennie. 

Notons que des constructeurs automobiles développent également des voitures électriques sans “terres rares” et que les panneaux photovoltaïques actuellement commercialisés n’utilisent pas de « terres rares ».. 

Pour en savoir, nous vous invitons à lire notre article de référence : L’énergie durable se développera sans « terres rares »

 

Recycler les batteries lithium-ion

  

Quant au lithium, utilisé dans les batteries de voitures électriques et dans les applications de stockage, la croissance attendue de la demande (>30% par an durant les 10 prochaines années) devrait créer un déséquilibre sur le marché à partir de 2025. 

Pour y remédier, le Plan européen d’actions stratégique pour les batteries compte notamment développer une économie circulaire permettant de ré-utiliser et recycler les matériaux clés (cobalt, lithium, manganèse et nickel) – lire notre article L’Europe développera des batteries plus durables).

Cette filière de recyclage permettra de fortement réduire les besoins d’extraction minière. 

La Commission européenne propose également une loi sur les batteries qui imposerait des critères de responsabilité éthique et environnementale, une première mondiale qui réjouit l’association de référence Transport & Environment (lire ce communiqué). 

Cette loi obligerait les fabricants à assurer le respect des droits humains et des droits du travail sur toute la chaîne d’approvisionnement (on pense par exemple aux mines de cobalt illégales en République Démocratique du Congo), sans quoi ils seraient bannis du marché européen. 

Les entreprises devraient également rapporter sur l’empreinte carbone de toute la chaîne d’approvisionnement, depuis l’extraction minière jusqu’à la production et le recyclage de la batterie, afin d’inciter à l’usage d’une énergie propre tout au long du processus. 

Par contre, l’association Transport & Environment estime que l’obligation, d’ici 2030, de recycler le lithium à 70% s’avère insuffisante pour guider les investissements et l’innovation dans le secteur du recyclage des batteries, alors que les meilleures pratiques actuelles atteignent déjà un recyclage à 90%. 

La Belgique se montre d’ailleurs très performante à cet égard (lire notre article Les batteries de voitures électriques trouvent une deuxième vie et un recyclage quasi complet en Belgique). 

Les batteries usagées de voitures électriques trouvent désormais une deuxième vie comme système de stockage des productions photovoltaïques. 

 

Quant au lithium ou au cobalt, l’industrie automobile pourra progressivement diminuer leur usage voire s’en passer. L’innovation s’oriente en effet vers les batteries au soufre, au sodium, au zinc ou les piles salines, autant de matériaux abondants et/ou à faible impact environnemental. 

 

Un défi, des solutions 

 

Comme on le voit, le défi des matériaux critiques est élevé mais de nombreuses solutions sont en cours de développement, au sein d’une économie circulaire plus respectueuse des ressources limitées de la planète.