Entre climat et voitures lourdes

La vente des grosses cylindrées explose en Belgique, en contradiction complète avec nos engagements climatiques. Il est temps d’imposer aux constructeurs des normes plus strictes sur la masse du véhicule. Le Gouvernement belge peut également agir sur les voitures de société et limiter l’avantage fiscal aux seuls modèles légers.

Près de 5,5 millions de voitures sont actuellement immatriculées en Belgique, selon le Bureau fédéral du Plan. Année après année, le poids à vide moyen des nouvelles voitures augmente. En en 2001, il était de de l’ordre de 1.300 kg. En 2014, il est de l’ordre de 1.400 kg, selon les dernières statistiques de l’ICCT.

Avec des modèles « jeeplike », ce poids peut facilement doubler, pour un même nombre de passagers transportables. Or ce sont justement ces modèles qui voient leur vente s’envoler dans les dernières statistiques de la FEBIAC.

Au premier semestre 2016, l’immatriculation des voitures d’au moins 200 kW (272cv) représente ainsi 64,4% de plus que sur la même période en 2015, relève le journal L’Echo le 12 août dernier. Cela s’explique notamment par l’arrivée sur le marché de deux modèles puissants et volumineux : la Volvo XC90 (photo ci-dessus) et la Ford Mustang. Les ventes de voitures « Ultrasportives » bondissent également de +78% au premier semestre 2016. Et ce, malgré les taxes élevées pour les véhicules gourmands en performance et en consommation.

Les véhicules lourds consomment plus

Derrières les fiches techniques de ces nouvelles voitures soi-disant « éco-designées » est mentionné leur poids à vide. Ces « gros » véhicules pèsent allégrement plus de deux tonnes. Leur usage augmente la consommation de carburant de chaque trajet. A ce sujet, les lois de la physique sont implacables : plus le véhicule est lourd, plus son déplacement requiert de l’énergie et davantage encore lorsque la vitesse de déplacement augmente. « L’émission de CO2 est ainsi multiplié par 1,5 lorsque le poids du véhicule passe du simple au double », rappelle Colette Berger dans le dernier numéro du magazine Imagine. Et l’impact sur les émissions d’une conduite « plus agressive » est davantage augmentée avec des véhicules plus lourds.

Des normes plus strictes

Ce succès des grosses cylindrées nous interpelle. Nous n’avons pas besoin de toutes ces tonnes en mouvement pour nous déplacer. Il est urgent d’inverser la tendance et d’inciter nos conducteurs à opter pour des véhicules légers. « Ces nouveaux bolides sont à la fois nuisibles pour la sécurité routière et pour l’environnement », insistent Pierre Courbe (Inter Environnement Wallonie) et Koen Van Wonterghem (asbl Parents d’enfants victimes de la route), deux associations partenaires du projet européen LISA Car (c-à-d « Light and safe car », voiture légère et sûre). Ils demandent au législateur « d’imposer aux constructeurs des normes plus strictes (masse, design, vitesse, …) dans l’intérêt de tous », apprend-t-on dans le magazine Imagine.

 

Avantage fiscal uniquement pour les modèles légers

Dès aujourd’hui, le Gouvernement belge a la possibilité d’agir au travers du mécanisme fiscal avantageux accordé aux voitures de société, bien souvent de taille plus grande que la moyenne. Sur les routes belges, une voiture sur dix est une « voiture salaire », selon les estimations d’IEW. Le Gouvernement fédéral peut supprimer cet avantage ou le limiter uniquement aux véhicules légers, par exemple de moins d’une tonne.

Cette mesure serait cohérente avec les engagements climatiques et les Objectifs de Développement Durable de la Belgique auprès des Nations Unies.

En effet, le poids à vide d’un véhicule est un indicateur indiscutable d’efficacité énergétique. Pour une même motorisation, un même trajet et un même style de conduite, plus le véhicule est léger, plus il est efficient !

De même, il s’agit d’alléger le transport routier, fortement émetteur de CO2, et de réduire nos besoins de déplacement. Ainsi, la Belgique utilisera désormais comme indicateur de durabilité le suivi de la part modale des voitures dans le transport des personnes. Objectif : réduire cette part à 65% d’ici 2030 (lire notre article Objectifs de développement durable : Quels indicateurs pour la Belgique ?).