Energie-Climat : « Sensibiliser, ce n’est pas informer »

Préparer les jeunes générations à une société « bas carbone » ? Pour Vincent Wattelet (photo), psychologue systémicien au sein du Réseau Transition, il s’agit d’abord de laisser une place aux émotions.

Les jeunes générations semblent peu conscientes des défis climatiques et énergétiques à relever d’ici 2050 (lire notre article Comment se prépare la future génération « bas carbone » ?).

Vincent Wattelet témoigne de son expérience avec le jeune public.

« Une grande erreur a longtemps perduré dans la réflexion éducative, en ne faisant pas la différence entre sensibiliser et informer », explique-t-il. En effet, informer sur les causes et conséquences des changements climatiques ne suffit pas. « Le cerveau humain n’est pas bien conçu pour penser ‘abstrait, large et long terme’. D’où la difficulté d’amener des enfants, qui sont en plein développement cérébral, sur un terrain métaphysique. Il y a un réel besoin de créer les conditions d’une bonne information sur ces sujets. » D’autant plus que ces informations peuvent se révéler très anxiogènes.

« On aurait tort de négliger l’impact émotionnel de ces informations, a fortiori chez les jeunes », poursuit Vincent Wattelet. « Dès lors que j’ai conscience des risques de perte de souveraineté alimentaire ou énergétique, des changements profonds induits par les pertes de biodiversité, les changements climatiques, etc., je ne peux être que face à une angoisse de mon futur. Une angoisse qui vient se rajouter à celle qui m’habite déjà en tant qu’adolescent sur ce qu’est ma place à moi dans ce monde que je découvre. En outre, vous noterez que les messages induits sont foncièrement contradictoires avec ceux que véhicule notre société au quotidien, à travers notamment la publicité omniprésente. L’enfant, le jeune, est donc confronté à des injonctions paradoxales. Avec parfois des conflits de loyauté lorsque la culture familiale diffère trop de la culture scolaire. C’est complètement schizophrénique… »

D’où sans doute la confusion qui apparaît lorsqu’on aborde ces questions avec des adolescents et qui transparaît nettement dans l’étude de l’APED (lire notre article Comment se prépare la future génération « bas carbone » ?). Une certaine indifférence, aussi, qui cache peut-être avant tout un malaise face à ces enjeux.

« L’adolescence est un moment où les plus fortes préoccupations tournent autour de l’identité de l’individu par rapport à ses pairs », poursuit-il. « C’est le moment des grandes passions idéalistes, mais de manière assez désincarnée et marginale par rapport à son identité sociale. Dans ce contexte, les thématiques climatiques qui tentent de coloniser son imaginaire restent pour lui assez marginales finalement. »

Une place pour les émotions

Pour dénouer cela, Vincent Wattelet propose dès lors dans ses animations un processus « tête-cœur-main ». La tête se charge d’informer, analyser, réfléchir. Le cœur laisse la place aux émotions suscitées par ces informations. Et les mains permettent d’adopter des comportements et des actions concrètes. Trois étapes complémentaires, qui permettent à chaque participant de construire son propre chemin.

« Quand on a vraiment réussi à ‘rendre sensible’ la place de l’Homme au sein de son environnement, on peut plus facilement y greffer différentes thématiques associées comme la transition énergétique, la gestion des ressources, la biodiversité, etc. », précise l’animateur.

Réinventer un imaginaire positif


Musique, chanson, théâtre, danse, sport, … Aux Etats-Unis, l’initiative « The Future Project » ouvre l’espace des possibles au sein des écoles. Chacun y ré-invente un imaginaire positif.

Sans mettre systématiquement en cause le savoir-faire des acteurs de l’éducation, on peut aussi constater avec notre interlocuteur que du côté de ces derniers « on est parfois face à des adultes qui n’ont pas intégré l’information du défi climatique. Comment pourraient-ils dès lors la ‘rendre’ de manière intéressante ? »

Faut-il pour autant baisser les bras, considérant que « le système éducatif traditionnel, c’est avant tout de la perpétuation du système en place »?

Quelques heures de cours pour sensibiliser et informer les jeunes sur la transition ne suffiront pas pour outiller une génération « bas carbone ».

Vincent Wattelet propose plutôt de s’inspirer de l’initiative américaine « The Future Project ». Cette démarche invite des jeunes à réinventer un imaginaire positif pour inspirer d’autres jeunes.

Pas sûr que ce soit toujours possible dans le cadre un peu étriqué de notre système d’enseignement tel qu’il s’impose actuellement. A moins d’envisager des collaborations plus soutenue avec des structures extérieures spécialisées : « L’univers de l’éducation à l’environnement est, en Belgique, un domaine particulièrement bien organisé et novateur. C’est un milieu qui se cherche et se réinvente en permanence. Et il est assez pionnier à ce niveau en Europe. »