Le Gouvernement wallon compte multiplier par 5 l’usage du vélo d’ici 2030. Mais pour ce faire, le citoyen doit disposer de réseaux cyclables praticables et sûrs. Plusieurs communes wallonnes se montrent volontaristes. Voici l’exemple de Chaudfontaine.
En matière de mobilité, le Gouvernement wallon a adopté un changement philosophique important, comme en témoigne sa Déclaration de Politique Régionale (2019-2024) : « Le Gouvernement favorisera systématiquement les modes de déplacement dans l’ordre suivant : marche à pied, vélos et micromobilité douce, transports publics, transports privés collectifs (taxis, voitures partagées, covoiturage) puis individuels. » (lire la DPR, chapitre Mobilité).
La Wallonie compte ainsi doubler l’usage du vélo d’ici 2024 et le multiplier par 5 d’ici 2030.
Une ambition saluée par l’association des cyclistes quotidiens, qui veillera à la mise en œuvre de cette stratégie (lire leur analyse).
La Wallonie vient d’ailleurs de lancer un Appel à projets « Communes pilotes Wallonie cyclable 2020 ».
Laisser sa voiture et adopter le vélo
Au vu des enjeux climatiques, il s’agit donc d’inciter les citoyens à (beaucoup) moins utiliser leur voiture et les encourager à choisir des modes de déplacements plus propres.
Une logique tout à fait réaliste si l’on considère que de nombreux déplacements quotidiens ont une distance inférieure à 5 km et pourraient être réalisés à pied ou à vélo. Ainsi, en Belgique, 17% des déplacements de moins d’un kilomètre sont effectués en voiture individuelle. Ce pourcentage grimpe à 40% pour les distances de 1 à 2 km et à 59% pour les distances de 2 à 5 km.
Il s’agit donc de diminuer cette part modale importante de la voiture au profit de modes de transport plus doux, afin de réduire nos émissions de CO2, améliorer la qualité de l’air et rendre l’espace public plus sûr et plus convivial.
Or cette stratégie globale se réalisera par des actions locales très concrètes, afin de proposer aux citoyens des réseaux pédestres et cyclables praticables et sûrs.
Créer des réseaux pédestres et cyclables
Certaines communes wallonnes ont décidé de prendre cet enjeu à bras le corps et de mettre en place des réseaux destinés aux déplacements quotidiens à pied ou à vélo. C’est notamment le cas de ces 10 communes pilotes :
La conception en réseaux permet de travailler de façon plus cohérente, de développer une vision d’ensemble des travaux à mener ainsi que de prioriser les phases de chantiers à réaliser.
La mise en place de tels réseaux comporte généralement trois étapes :
- La réalisation d’un état des lieux des chemins et sentiers publics du territoire, à la fois sur base de cartes IGN, de l’Atlas des chemins vicinaux, du cadastre, … et sur base d’un inventaire de terrain qui permet de vérifier l’état de ces chemins et sentiers ;
- La création, à partir du réseau existant répertorié, de la cartographie d’un maillage structuré permettant de relier entre eux les villages et quartiers aux pôles d’attractivité (écoles, complexes sportifs, commerces…) ;
- La mise en œuvre du réseau, en réhabilitant les sentiers et chemins peu praticables et en créant les liaisons manquantes.
L’expérience de Chaudfontaine
Parmi les communes wallonnes actives en mobilité douce, Chaudfontaine – près de Liège – se distingue par une vision à long terme et un travail de terrain avec les usagers. Elle figure parmi les exemples de bonnes pratiques relayées au sein de la campagne Politique Locale Energie Climat (lire la fiche POLLEC).
Le territoire de Chaudfontaine (21.000 habitants, 2551 hectares), mi-urbain, mi-rural est encaissé entre deux collines. Pour rejoindre un pôle d’attractivité, il est nécessaire, à un moment ou à un autre, de grimper sur une des deux collines. Au cours de l’inventaire des sentiers, la commune a pu s’appuyer sur un réseau de bénévoles actifs au sein du Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN).
L’inventaire s’est inscrit dans un projet pilote avec l’association Sentiers.be (aujourd’hui Tous à pied asbl) qui a fourni un cadre méthodologique et des outils cartographiques, en partenariat avec la Province de Liège. 170 km de sentiers ont ainsi pu être répertoriés. Le maillage historique des sentiers au sein même des villages était de qualité. Une bonne connexion naturelle entre les villages de même altitude existait également.
Un travail sur les liens entre les villages a dû être réalisé : afin d’affiner le tracé des sentiers entre les quartiers, la population a été consultée et de nombreux citoyens ont participé à cette concertation.
Des bénévoles motivés de divers organismes et des particuliers, en concertation avec les acteurs concernés, ont déterminé les itinéraires adéquats d’un maillage structuré permettant de relier les villages et quartiers à une quinzaine de pôles d’attractivité qu’ils ont identifiés (écoles, centres sportifs, …).
Au total, quarante-cinq kilomètres de sentiers ont ainsi été tracés en 2014 (certains déjà existants, d’autres qui devront être sortis de terre). Des sentiers tenus éloignés des grands axes de circulation, pour offrir le maximum de confort et de sécurité aux marcheurs et cyclistes.
Réhabiliter et compléter les réseaux
A ce jour, des réhabilitations de chemins et sentiers se sont déjà concrétisées sur le terrain, et se poursuivront encore dans les mois à venir, de même que divers aménagements de cheminements en faveur des modes doux.
Afin de compléter les réseaux cyclables et piétons existants, des aménagements en site propre sont intégrés dans les permis d’urbanisation (au titre de charges d’urbanisme) et dans les projets des Zones d’Aménagement Communal Concerté (ZACC). La commune a aussi entrepris de négocier avec les propriétaires et les agriculteurs suivant les cas afin de pouvoir réaliser un futur chemin sur leurs parcelles (bandes de 3 m de terrain), sans passer par l’expropriation.
Financer les travaux
Pour développer ces réseaux, la commune répond systématiquement aux opportunités de financement et appels à projets dans le domaine de la mobilité douce. Chaudfontaine a ainsi bénéficié d’au moins 5 subventions pour concrétiser ses réseaux.
Développer des partenariats et mobiliser
Chaudfontaine se coordonne avec les communes voisines (Liège, Trooz, Esneux, …) afin de créer des itinéraires cyclistes structurants.
La sensibilisation dans les écoles est en cours avec Pro Velo, ce qui permet d’assurer la promotion du réseau de mobilité douce au niveau des jeunes.
Changer les habitudes
Ce projet local suscite un véritable engouement des citoyens et on observe de réels changements d’habitudes de mobilité. Le vélo électrique aide à lever les contraintes topographiques propres à ce territoire.
La commune souhaite désormais créer un cadre favorable aux changements de modes de déplacements avec des infrastructures tels que des supports à vélo à différents endroits (écoles, place communale, hall sportif…). Elle a récemment mis en place des consignes à vélo individuelles et sécurisées, en partenariat avec la société de transports en commun TEC.
Un parking vélo couvert a été installé à côté d’une école.
Plus largement, c’est toute la politique de mobilité qui s’inscrit dans une cohérence : dans le quartier de la gare qui sera réhabilitée, la commune prévoit la construction d’un parking pour vélos, la gratuité du stationnement pour les voitures, l’installation de bornes pour recharger les vélos électriques et la création d’un espace de coworking.
Pour rendre les déplacements doux plus attractifs et ludiques, la commune a candidaté avec succès à l’appel à projets « Territoire intelligent », lancé par Digital Wallonia. En partenariat avec la commune de Trooz, elle développera l’application « Fais tes balises », intégrant la technologie GPS pour permettre à l’utilisateur de créer un parcours doux (pied, vélo, transports en commun) et une expérience de réalité augmentée, pour lui donner une dimension plus attrayante. L’app sera disponible en juin 2021.
Lire également notre article A pied ou à vélo vers l’école, pour un air plus sain.