Délestage : entre potion amère et médecine douce

Présenté le plus souvent par les médias comme une amère potion en cas d’hiver rigoureux, le délestage pourrait en réalité représenter l’une des formules susceptibles de contribuer dans le futur à une transition énergétique équilibrée. Coup d’œil sur cette solution volontaire, concertée, rétribuée ou solidaire.

Présenté le plus souvent par les médias comme une amère potion en cas d’hiver rigoureux, le délestage pourrait en réalité représenter l’une des formules susceptibles de contribuer dans le futur à une transition énergétique équilibrée. Coup d’œil sur cette solution volontaire, concertée, rétribuée ou solidaire.

L’actualité énergétique place le délestage au centre du débat depuis plusieurs semaines. Dans le message politique, il est essentiellement présenté comme la solution de dernier recours à laquelle il faudra bien se résoudre si d’aventure le plan gouvernemental anti-blackout venait à rencontrer ses limites (voir Renouvelle n° 66). Une liste tournante de cabines qui pourraient ainsi être mises d’autorité hors circuit durant quelques heures pour soulager le réseau lors de certains pics de consommation. Avec la cascade de mini-catastrophes locales qu’on n’a pas fini d’énumérer : pertes de production, accidents, dysfonctionnements, etc. Sans parler des dédommagements éventuels dus par les acteurs du système censés assurer un approvisionnement régulier.

Mais ce délestage « contraint » occulte en fait une autre forme de délestage qui n’est jusqu’ici évoquée que pour mémoire dans les réserves stratégiques auxquelles il est fait allusion dans le fameux plan Wathelet. Une forme de délestage, concerté et volontaire celui-là, qui permettrait d’effacer – dans le présent cas de figure – quelques 100 MW de consommation industrielle sur simple sollicitation du responsable d’équilibre (Elia). Un délestage « win-win » puisque le client ainsi délesté aurait droit à une rémunération pour sa contribution volontaire au rééquilibrage du réseau.

Un potentiel supérieur à 600 MW

Principal avantage de la formule : pas besoin de mettre en route une installation « de secours » comme une centrale au gaz mise en sommeil faute de rentabilité. Ni peut-être d’envisager à terme un renforcement des capacités de production (nouvelle centrale), voire d’interconnexion du réseau. Selon une enquête menée récemment par le Vito et Febeliec auprès d’un échantillon de la clientèle industrielle, 600 MW pourraient être ainsi « effacés » en cas de besoin. Elia aurait déjà, de longue date, réuni dans sa clientèle quelques gros clients qui se sont déclarés « interruptibles » pour quelques heures par an moyennant rémunération. Et il a récemment élargi son offre aux agrégateurs (lire notre interview) et même à des unités de production raccordées aux réseaux de distribution. Un véritable « marché du déséquilibre » s’est même mis en place pour organiser et baliser de telles transactions. Et celui-ci est déjà bien connu de certains gros clients industriels comme Arcelor qui l’exploitent (presque) sans compter. Un marché qui, aux Etats-Unis, porte sur près de 12 000 MW de demande interruptible. Ce qui peut laisser supposer que le potentiel belge est sans doute bien supérieur à celui identifié jusqu’ici autour des gros consommateurs industriels. Car il n’y a techniquement pas de raison d’ignorer les PMI-PME dont les capacités interruptibles sont certes moins importantes, mais infiniment plus nombreuses. Sans parler des particuliers.

Certes, pour être pleinement exploitées et de manière fiable, ces capacités interruptibles réclament quelques aménagements techniques, principalement liées aux technologies de l’information et à la domotique. Des aménagements aussi au niveau de l’encadrement réglementaire qui actuellement tend à brider le développement de telles solutions. Mais, chez nous, quelques initiatives sectorielles – comme le Pacte énergétique (lire Renouvelle n° 66) ou les groupes de travail REDI (1) – poussent clairement dans ce sens.

Et différentes démarches didactiques ou commerciales testent déjà concrètement la piste. Comme la proposition de Lampiris d’avertir par SMS les clients qui le souhaitent, afin qu’ils réduisent leur consommation à l’approche d’épisodes énergétiques délicats. Ou l’intérêt manifesté par Google pour le thermostat intelligent lancé en Europe par NEST dont il vient de faire l’acquisition. Autant d’avant-goûts d’une approche énergétique qui tend à faire du consommateur un acteur actif (et solidaire) sur le marché de l’électricité. Un changement de mentalité qui devrait être déterminant dans la transition énergétique qui s’annonce.

Production (GWh)Scénario “PMDE/CWaPE 2011”Scénario “EDORA adapté”
Photovoltaïque1.0801.319
Eolienne3.2504.490
Hydraulique440479
Cogénération fossile3.1043.104
Cogénération biomasse2.7803.428
Biomasse pure4501.350
Géothermie0166
Total renouvelable8.00011.232
Total électricité verte11.10414.336