Voici 6 questions que se posent les citoyens sur l’autoconsommation collective, qui sera bientôt autorisée en Wallonie.
L’APERe (Association belge pour la promotion des énergies renouvelables) a récemment donné plusieurs conférences en Wallonie sur le thème de l’autoconsommation collective, notamment aux salons « Energie & Habitat » et « Energies+ » ainsi qu’à l’UCL.
Les publics, nombreux, se sont avérés très participatifs au vu de l’actualité et de la proposition de décret sur cette thématique (lire notre article La Wallonie avance sur l’autoconsommation collective).
Les prosumers wallons pourront en effet bientôt vendre leur électricité solaire à un ou plusieurs consommateurs, ce qui ouvre de nombreuses perspectives.
Voici 6 questions concrètes soulevées par les citoyens lors de ces événements.
1) Via un réseau privé ou via le réseau public ?
Les citoyens se montrent spontanément motivés par la création d’un réseau privé c-à-d un raccordement directe et physique avec un ou plusieurs voisins. Le rêve est là : « On va le faire nous-même, Cela coûtera moins cher, etc ».
Les échanges sur les modalités pratiques de réalisation et d’entretien de ces connections ramènent systématiquement les questions suivantes :
-Qui va payer pour les câbles ?
-Qui va les installer ?
-En cas de panne, causée par exemple par des intempéries (neige, gel, foudre, …) ou en cas de vol, qui va réparer/remplacer les câbles, éventuellement à 3h du matin ?
-Dans quels délais ?
A l’analyse, l’investissement dans le matériel et sa gestion apparaît plus conséquent et complexe que ne le laisse supposer l’envie de se raccorder en réseau privé.
Or le gestionnaire de réseau de distribution d’électricité (GRD) investit et gère déjà tous ces éléments à travers le réseau public.
Les participants ont conclu, de manière systématique, en retenant une solution provisoire qui utiliserait le réseau public, tout en se laissant la possibilité de revoir cette position une fois le reste établi. De fait, d’autres questions sont à résoudre…
2) Vendre ou donner son électricité solaire ?
Constat étonnant : beaucoup de prosumers (jusqu’à un quart du public) sont prêtes à donner gratuitement leur surplus d’électricité solaire à leur voisin. Certains considèrent même le soleil comme un bien public et que dès lors ce partage d’électricité ne devrait pas être monnayé.
Au fils des discussions, les publics rencontrés s’accordent finalement sur une vente à (très) bas prix car il faut bien payer le matériel.
Les voisins consommateurs (qui ont historiquement soutenu le développement du photovoltaïque via leur facture d’énergie) pourraient ainsi bénéficier d’un juste retour financier sur l’électricité solaire produite localement.
Mais faut-il vendre au coût de production (en remboursant le matériel) ou avec une marge bénéficiaire ?
Mais s’il n’y a pas de marge bénéficiaire, qui paie en cas de panne ou de casse du matériel ?
Souvent l’idée d’une marge – la plus petite possible -, domine l’ensemble des avis donnés par les personnes présentes.
3) Comment gérer le comptage et les factures ?
Dès lors que plusieurs consommateurs sont reliés à une même installation photovoltaïque locale, comment faire la comptabilité énergétique (qui a consommé quoi ?) et comment répartir la facture ?
A noter que les clients finaux recevraient 2 factures : d’une part, celle du gestionnaire de l’autoconsommation (relative à l’électricité renouvelable locale) et, d’autre part, celle de leur fournisseur traditionnel (énergie moins locale).
Et comment gérer un accès sécurisé et restreint aux informations de comptage et de facture (protection des données) ?
De manière générale, les prosumers proposent qu’une structure de gestion soit mandatée.
Les citoyens semblent donc avoir à ce niveau autant de bon sens que le politique, qui propose justement la création d’un « gestionnaire d’opération d’autoconsommation collective ».
Il faut noter, en complément de ce choix posé par les participants aux conférence, que le gestionnaire de réseau de distribution (ORES, RESA, ..) est déjà un gestionnaire de ce type de données et que la proposition de décret renforcerait ce rôle.
4) Comment assurer la fiabilité et la sécurité d’approvisionnement ?
Que faire s’il n’y a pas assez de production photovoltaïque pour les différents consommateurs concernés ?
Après le traditionnel réflexe de l’achat de batterie qui, rappelons-le, ne constitue qu’une solution très partielle et court-terme (quelques heures) en matière de sécurité d’approvisionnement, les prosumers proposent que le réseau local soit connecté au réseau public pour bénéficier des autres productions renouvelables (grand éolien, centrales hydroélectriques, …) qui ne peuvent être installées localement, dans un milieu urbain ou avec une forte densité d’habitat.
Le réseau public s’avère donc approprié, particulièrement en hiver, pour assurer une sécurité d’approvisionnement, en connectant entre elles des productions basées sur des sources complémentaires (vent, soleil, eau, biomasse) et géographiquement dispersées.
Les citoyens proposent néanmoins d’introduire des capacités de stockage (batteries collectives) pour atténuer les pics de production et consommer le surplus en soirée.
Que faire, enfin, si le voisin-producteur déménage ou ne veut plus alimenter les consommateurs ?
Selon les citoyens, il existe deux solutions : soit le réseau privé doit être très grand (plusieurs voisins-producteurs possibles), soit il faut passer par le réseau public (très large par définition).
5) Quel prix d’achat ou de vente aux voisins ?
Selon l’expérience de l’APERe, une minorité de citoyens est prête à acheter l’électricité solaire locale au même prix que l’électricité du réseau public (25 €centimes/kWh) et une majorité serait prête à l’acheter aux alentours de 20€centimes/kWh.
Vu les prix 2018, l’APERe estime que le prix de vente de son électricité solaire excédentaire à ses voisins devrait osciller entre 8 et 12 €centimes/kWh, avec ou sans marge bénéficiaire selon le type d’installation photovoltaïque (petite ou grande) et la motivation du prosumer.
6) Comment financer le réseau ?
Selon les choix retenus, entre une valeur de vente (8 à 12 €centimes/kWh solaire produit) et un prix d’achat de 20€centime, le montant disponible pour financer le réseau (public ou privé) se situerait entre 8 et 12 €centimes/kWh.
Dès lors, pour que l’électricité solaire autoconsommée collectivement et localement soit moins cher que le prix de l’électricité traditionnelle, il faudrait – selon l’APERe – que le tarif actuel, incluant taxes et financement du réseau, diminue de 50% (si on passe par le réseau public).
Les questions qui sont restées en suspens sont :
Est-il possible de financer un réseau avec ce niveau de contribution ?
Est-il possible de défiscaliser l’électricité renouvelable et locale de manière à parvenir à cette diminution en usant du réseau public ?
Peut-on supprimer la TVA sur ces énergies renouvelables, locales et partageables entre tous ?
…
Voilà de quoi méditer pour la suite du processus de mise en œuvre de l’autoconsommation collective en Wallonie et questionner, une fois de plus, les composantes présentes sur la facture d’électricité.