Aujourd’hui, ils sont à l’école. Demain, ils seront dans la vie professionnelle. Sont-ils bien préparés à cette société « bas carbone » qu’ils devront gérer d’ici 2050 ? Coup d’œil sur les chemins scolaires de la transition.
2020, 2030, 2050 : ce sont les échéances les plus fréquemment évoquées dans le récent Accord de Paris sur le climat. Celles qui balisent la transition vers la société « bas carbone » que la communauté internationale appelle de ses vœux (lire notre article Climat : 9 raisons d’être optimiste).
Les artisans de ce futur changement de paradigme sont donc actuellement sur les bancs de nos écoles. Par conséquent, les enseignants et les éducateurs (mais aussi les parents et les proches) jouent un rôle déterminant pour y préparer les jeunes esprits. Or, on se situe actuellement sur un terrain de connaissance où règne la plus grande confusion.
Une étude déconcertante
Pour mieux cerner cet enjeu pédagogique, l’association APED (Appel pour une école démocratique) a mené en 2015 une étude sur le thème « École, Énergie, Climat : Les élèves belges sont-ils outillés, pour affronter l’épuisement des ressources énergétiques et le changement climatique ? ».
Cette enquête, réalisée auprès de 3.200 élèves du secondaire (de 5e, 6e et 7e secondaire) inscrits dans 107 établissements (dont 60 écoles francophones et 47 établissements néerlandophones), livraient ses résultats en octobre dernier. En voici quelques conclusions :
- Une large majorité des élèves sont totalement incapables de fournir une explication cohérente (via des questions à choix multiples) sur le mécanisme intervenant dans les changements climatiques, confondant souvent l’effet de serre et…le trou dans la couche d’ozone.
- Ils sont d’ailleurs peu à s’en dire préoccupés, considérant pour plus d’un tiers d’entre eux que « les scientifiques trouveront bien la solution » ou que « chouette, on aura plus de jours de beau temps » !
- Un quart des élèves seulement estime correctement le flux annoncé de réfugiés climatiques (200 millions d’ici 2050, selon l’ONU). La majorité sous-estiment gravement ce nombre (5 à 10 millions).
- Néanmoins, 45% ont « peur que tout ceci ne déclenche des guerres ».
- Moins d’un quart des élèves a une vision à peu près réaliste de la durée probable des réserves de pétrole ou de gaz naturel. 42% d’entre eux citent même des chiffres tout à fait irréalistes (des centaines, milliers, millions d’années voire plus…).
- Un élève sur trois imagine qu’un voyage (de 900km) en avion est aussi propre voire plus propre que le même voyage en train.
- Près de 60% des élèves ignorent qu’une centrale électrique au gaz produit du CO2, par contre 47% croient erronément qu’une centrale nucléaire en produit.
- Enfin, près de la moitié des élèves interrogés ont une perception très approximative de la notion d’énergie renouvelable, ignorant par exemple l’énergie hydraulique ou la géothermie et incluant… le gaz naturel.
D’où cette conclusion désabusée des auteurs de l’étude: « Globalement, la maîtrise des savoirs relatifs à l’épuisement des ressources énergétiques et au changement climatique est largement insuffisante, en regard des enjeux futurs. (…). L’école ne parvient manifestement pas à jouer efficacement son rôle consistant à préparer tous les jeunes à une citoyenneté critique et active. » (lire l’étude complète).
Extrait de l’enquête APED 2015.
Pour une formation solide et polytechnique
Selon l’APED, plusieurs causes expliquent ces lacunes :
- Dans l’enseignement de qualification, le cursus tend à privilégier les connaissances et savoir-faire qui ont une utilité directe avec la qualification visée, au détriment des connaissances générales. Or, ajouterons-nous, de nombreux ouvriers et techniciens seront appelés à répondre aux défis de la transition énergétique.
- Dans l’enseignement général, le cursus tend à minimiser l’importance des savoirs, au bénéfice des compétences. Or, la compréhension des enjeux Energie-Climat nécessite justement des connaissances assez solides.
- Dans les deux filières, les élèves ne reçoivent pas de formation polytechnique, pourtant nécessaire pour comprendre ces enjeux d’ordre technologique, industriel et économique.
- Malgré quelques efforts ces dernières années, ces sujets ne reçoivent pas encore l’attention voulue dans les référentiels (socles de compétences, compétences terminales et programmes).
- Enfin, il est à craindre que la formation des enseignants eux-mêmes laisse fortement à désirer (cette impression fera l’objet d’une nouvelle étude de l’APED).
Voilà pour le constat général et actuel…
Des professionnels sur le terrain
En Belgique, les animations Climate Challenge invitent les élèves à jouer le rôle d’un pays et à trouver un accord international – www.climatechallenge.be
Pourtant, loin de se décourager, de nombreux enseignants et animateurs ont pris à cœur l’éducation aux changements climatiques. En Belgique, la réflexion s’avère déjà riche et polymorphe au sein des réseaux d’enseignement et de sensibilisation, comme en témoigne ce dossier du périodique Symbioses, publié par le Réseau IDée – Information et Diffusion en éducation à l’environnement. Tandis que les acteurs de l’éducation disposent aujourd’hui d’outils éprouvés pour amener les enfants et adolescents à s’interroger sur leur avenir face aux dérèglements climatiques.
Parmi ces professionnels, Vincent Wattelet, psychologue systémicien au sein du Réseau Transition, s’est donné pour mission d’accompagner les processus de transition. Il témoigne de son expérience avec les jeunes publics (lire notre interview).