Face à l’épuisement des énergies fossiles, les pays producteurs de pétrole pourraient bientôt exporter de l’électricité solaire stockée sous forme d’hydrogène. Une étude et de nouvelles réalités économiques tendent à le montrer.
Les énergies fossiles existent en quantité finies, tôt ou tard les stocks exploitables seront épuisés. Si de nombreux débats existent sur le moment de cet épuisement, il faut observer que les énergies renouvelables pourraient être d’un secours économique important pour les états producteurs de pétrole.
C’est un fait bien connu : de nombreux Etats exportateurs de pétrole se trouvent dans des conditions climatiques richement ensoleillées. Les coûts de productions d’électricité solaire s’en trouvent donc fortement diminués.
Record de prix solaire
Pour preuve, un nouveau record a été réalisé en automne 2017 en Arabie Saoudite : le prix de vente de l’énergie pour une installation solaire non-subsidiée est tombé à 1,52 centimes d’€/kWh produit (1,79 ¢US/kWh), battant le record d’avril 2016 qui était de 3,06 centimes d’€/kWh produits (3,6 ¢US/kWh). La tendance du marché saoudien se situe en dessous des 3 centimes de dollars/kWh, comme le montre ces projets photovoltaïques réalisés en 2017:
Il devient économiquement envisageable de convertir en masse cette électricité en hydrogène (via l’hydrolyse de l’eau), afin de permettre de lui donner une plus-value importante sous forme d’énergie stockée. La transformation vers l’hydrogène pourrait également se suivre d’une méthanation, permettant de convertir l’hydrogène en gaz naturel, dès lors dit de synthèse.
Ce schéma illustre deux réactions chimiques permettant de transformer le soleil en gaz naturel de synthèse, utilisable dans nos cuisinières ou nos chaudières, par exemples.
Le méthane se transporte déjà facilement en bateaux réfrigérés aujourd’hui. Ce nouveau modèle industriel de conversion énergétique pourrait dès lors s’appuyer sur des infrastructures et une logistique existantes.
L’Europe pourrait importer une énergie solaire en hiver
Les Européens pourraient donc bénéficier d’une énergie solaire stockée, utilisable lors des moments de faibles productions locales et de haute consommation (en hiver, entre autre).
Le scénario « Power to gaz »
Utopique ? Une étude de l’ADEME (France) de 2014 a sérieusement analysé le scénario de production domestique d’hydrogène et de méthane de synthèse en utilisant les excédents français saisonniers de production d’électricité renouvelable.
Ce scénario baptisé « Power to gaz » a été analysé afin d’estimer la place que ce type de production locale pourrait avoir dans un mix 100% renouvelable à l’horizon 2050.
Que retrouve-t-on dans cette étude ?
- Les infrastructures de transport, de stockage et de distribution existent déjà. Il ne s’agit pas d’une nouvelle activité, mais du prolongement durable d’une activité existante.
- Le coût du transport est négligeable (1% du coût de production solaire mentionné ci-dessus).
- Les réservoirs de stockage français permettraient un stockage de 100 jours de consommation, au regard de la consommation 2014 de gaz naturel traditionnel en France).
- Les rendements de énergétiques des filières de transformation atteindraient entre 75 et 85%.
- Ce méthane de synthèse coûterait 2 à 3,5 fois plus cher que notre méthane fossile actuel.
- Le bilan environnemental serait excellent.
Les recommandations
Il faut :
- analyser les conditions positives d’exploitation de cette filière (origine de l’électricité, source de CO2, …) via des analyses de cycle de vie complètes.
- continuer la recherche dans les processus d’hydrolyse et de méthanation, afin de diminuer les coûts et augmenter la productivité. La Wallonie suit cette piste en ce qui concerne l’hydrolyse (lire notre article L’hydrogène devient un vecteur énergétique d’avenir).
- organiser la filière avec les acteurs actuels du réseau de gaz naturel.
- définir un cadre réglementaire pour ce nouveau marché.
Les limites
L’étape de méthanation consomme beaucoup de CO2 et semble l’aspect le plus limitant du concept.
Trois sources sont possibles mais posent de nouvelles questions :
- Le CO2 de l’air : trop peu concentré à la base, donc coûteux.
- Le CO2 des industries : indisponible à terme vu le processus de décarbonisation qu’elles devront suivre.
- Le CO2 de la combustion de la matière organique : intermédiaire entre les deux, mais doit trouver un cadre global permettant d’éviter des surconsommations adhérentes.
On le voit, les questions sont encore nombreuses, mais l’idée d’avoir un stockage solaire inter saisonnier et de grande ampleur est tellement séduisante qu’il nous semblerait absurde de ne pas la considérer avec sérieux.
Et – qui sait ? – les Etats pétroliers seront peut-être les premiers à nous proposer ce concentré de soleil. Il en va de leur futur intérêt économique.
Lire également notre article L’électrolyse de l’eau pour valoriser l’électricité renouvelable excédentaire.