Le projet d’une nouvelle ligne haute tension en Wallonie suscite des oppositions locales. Pour éviter ce type de blocages, le secteur éolien européen propose d’optimiser les réseaux électriques existants afin de mieux intégrer les productions renouvelables.
Disons-le d’emblée : le projet de boucle du Hainaut ouvre un débat légitime et, même si nous ne sommes pas capables de trancher sur son aspect essentiel ou pas, nous y apportons ici quelques éléments de réflexion.
De quoi s’agit-il ?
Après plus de deux ans d’étude et de recherche, Elia – gestionnaire belge du réseau haute tension – propose un corridor d’une longueur de 85 km et d’une largeur de 200 mètres, traversant 14 communes sur le territoire de la Wallonie : Mont-de-L’Enclus, Celles, Frasnes-Les-Anvaing, Leuze-en-Hainaut, Ath, Chièvres, Brugelette, Lens, Soignies, Braine-le-Comte, Ecaussines, Seneffe, Pont-à-Celles et Courcelles.
Baptisée “boucle du Hainaut”, cette nouvelle ligne haute tension traverserait 91% de zones agricoles et 2% de zones d’habitat (description complète du projet : https://www.boucleduhainaut.be/).
Vu son impact paysager, des collectifs de riverains s’y opposent.
Elia justifie ce projet comme nécessaire pour renforcer le transport d’électricité en Belgique sur l’axe Ouest-Est, permettant notamment d’acheminer l’électricité produite par les parcs éoliens en mer du Nord, en pleine croissance.
Le hic, c’est que Elia se trouve coiffée d’une double casquette : elle analyse les besoins et se charge elle-même de la mise en œuvre. Il n’existe pas d’acteur chargé d’une contre-expertise, permettant d’évaluer si ce projet répond ou non à des besoins réels.
Il y a bien sûr la Creg (régulateur fédéral du marché de l’électricité et du gaz) d’une part, et des procédures à respecter d’autre part (enquête publique, étude d’incidence environnementale, demande de permis d’urbanisme, … – voir planning ci-dessous) mais, fondamentalement, il est difficile d’affirmer si la boucle du Hainaut est nécessaire ou non.
Une Europe très électrique
Le contexte pousse cependant à de nouvelles infrastructures électriques.
Afin de limiter le réchauffement climatique, la Belgique et l’Europe s’avancent vers un système énergétique zéro carbone d’ici 2050, qui nécessitera d’abandonner les carburants fossiles et d’électrifier de nombreux usages (mobilité électrique, chauffage par pompe à chaleur, …).
La Commission européenne prévoit que le taux d’électrification passera de 24% aujourd’hui à au moins 50% d’ici 2050.
Les besoins de stockage et de transport d’électricité vont donc croître aussi.
Ainsi, pour intégrer une production 100% renouvelable, les réseaux nationaux devront être interconnectés, afin de bénéficier du potentiel renouvelable à l’échelle du continent : quand le vent se lève ou quand le soleil brille dans un pays, ces productions pourront être facilement acheminées et consommées dans les pays voisins.
La Belgique, qui se trouve à un carrefour des réseaux électriques européens, participe à cette transition transfrontalière. Depuis 2019, le réseau belge est désormais interconnecté avec le Royaume-Uni (lire notre article La Belgique et le Royaume Uni sont désormais interconnectés) et, depuis fin 2020, notre pays est également relié au réseau allemand (lire notre article La Belgique et l’Allemagne sont désormais interconnectées).
Optimiser les réseaux existants
Selon Wind Europe, la croissance des productions renouvelables nécessite de nouvelles lignes à haute tension sur certains axes stratégiques. Cependant, la fédération constate que les plannings complexes et les demandes de permis créent des goulots d’étranglement et retardent la mise en place de ces infrastructures.
Wind Europe plaide dès lors pour donner priorité à une optimisation des réseaux existants, afin d’accélérer l’intégration des productions croissantes d’énergies renouvelables et atteindre les objectifs européens.
Elle a publié en novembre 2020 un rapport intitulé « Making the most of Europe’s grids – Grid optimisation technologies to build a greener Europe ».
L’analyse montre comment et pourquoi des technologies matures et disponibles permettraient d’optimiser les réseaux existants, d’augmenter la part d’éolien et de photovoltaïque, de réduire le bridage des productions renouvelables et de diminuer les dépenses d’investissement – une optimisation étant beaucoup moins onéreuse que de nouvelles infrastructures.
Le rapport propose une coopération et un échange d’informations plus approfondis entre les producteurs d’électricité, les fournisseurs de technologies, les gestionnaires de réseau de transport (GRT), les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) et d’autres parties prenantes pour accroître l’efficacité globale et la résilience des réseaux de transport existants.
Les principales recommandations politiques incluent une approche TOTEX (dépenses totales) pour les nouveaux investissements, l’intégration de l’optimisation du réseau dans la planification du système et l’application d’indicateurs d’intelligence.
Ces technologies d’optimisation du réseau sont présentées à travers des études de cas, en Belgique, aux Etats-Unis, au Danemark, en Espagne, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Grèce, en Irlande et aux Pays-Bas.

Et en Belgique ?
Suivant ce rapport et les recommandations de Wind Europe, les autorités belges devraient en priorité mettre en œuvre une optimisation du réseau électrique existant.
Ce qui laisserait du temps pour un débat citoyen et démocratique sur la nécessité ou non de réaliser la boucle du Hainaut, dans la perspective d’une Europe zéro carbone et d’un réchauffement climatique limité à 2°.