La filière bois-énergie porte beaucoup d'espoirs dans la stratégie climatique européenne. Mais les acteurs de terrain aimeraient y voir un peu plus clair en termes de durabilité. Fanny Pomme Langue, Directrice politique de AEBIOM, en a récemment expliqué les raisons.
Si l’on s’en tient aux statistiques, la filière bois-énergie se porte plutôt bien en Europe. Les développements futurs de la biomasse pour la chaleur et l’électricité portent beaucoup d’espoirs dans la stratégie climatique européenne. Mais lors des 11e Rencontres de la Biomasse organisées par ValBiom le 26 novembre 2014, l’association européenne AEBIOM – regroupant une trentaine d’associations et une centaine d’entreprises impliquées dans le secteur – n’a pas caché son malaise, par la voix de sa représentante Fanny Pomme Langue.
Si, depuis 2009, l’Europe a clairement pris position sur la question des critères de durabilité à prendre en compte pour la biomasse liquide et les biocarburants, elle est en effet toujours en discussion pour la biomasse solide et gazeuse utilisée pour le chauffage et la production d’électricité. Elle s’y était pourtant engagée dès 2011. Et les études n’ont pas manqué depuis lors pour baliser la question. Mais face à la difficulté de départager les interlocuteurs impliqués, la Commission européenne a finalement annoncé qu’aucune législation harmonisée ne verrait le jour avant 2020. Elle estimait, prétextait-elle, que l’arsenal juridique existant – qu’il soit national ou européen – pourrait faire l’affaire en attendant d’y voir plus clair, dans la foulée des débats sur l’objectif 2030. Une esquive qui n’a pas rassuré les acteurs de terrain. Ceux-ci auraient de loin préféré un signe clair et durable, quitte à re-calibrer leurs projets pour se plier à la volonté commune des citoyens européens de décarboner l’économie.
Mais voilà. La nature ayant horreur du vide, nombre d’opérateurs privés et certaines associations ont depuis lors préféré prendre les devants en développant leur propre système de certification et de contrôle, histoire de protéger leur marché contre la concurrence et/ou d’éviter les importations non souhaitables. Ces verrous se sont déjà mis en place sur des marchés stratégiques comme les granulés de bois (pellets) et la biomasse à destination industrielle. Quelques pays comme le Royaume-Uni (mais la Belgique y travaille également) sont allés jusqu’à développer leurs propres critères de durabilité en suivant les recommandations formulées en 2010 par la Commission européenne.
Pas de quoi lever le voile de suspicion qui s’est peu à peu installé sur la filière. En effet, les débats autour des biocarburants ont jeté un doute, par effet collatéral, sur la biomasse solide. Si bien que le public se demande si, en définitive, la filière bois-énergie est aussi ‘verte’ qu’on le prétend.
Face à ce brouillage d’image, l’Europe a publié, en juillet 2014, un document non législatif établissant son état des lieux de la filière biomasse solide et gazeuse destinée à la production d’électricité, de chaleur et de froid en termes de durabilité. Un emplâtre sur une jambe de… bois, mais qui a au moins l’avantage de clarifier certains points importants. Le rapport européen relève en particulier qu’il n’y a pas eu jusqu’ici d’impacts environnementaux négatifs constatés sur les forêts liés au développement de la bioénergie. Et il souligne que la plupart des types de biomasse utilisée aujourd’hui dans la production de chaleur et d’électricité permettent de réelles économies d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Tout en rappelant que la biomasse a un rôle fondamental à jouer pour décarboner l’économie. Pour donner un ordre de grandeur, les bois et les déchets de bois constituaient, en 2010, près de la moitié des énergies renouvelables consommées en Europe. Et à l'horizon 2020, la biomasse contribuera à plus de 50% dans l'atteinte des objectifs européens d'énergie renouvelable.
Pour Fanny Pomme Langue, le politique se focalise actuellement trop sur les craintes et les aspects négatifs éventuels de la biomasse, en faisant souvent l’impasse sur les apports positifs de la filière, par exemple au niveau de l’amélioration de la gestion forestière en Europe. La question sera au centre du Workshop ‘bioénergies’ qu’organise la fédération Inter-Environnement Wallonie, en collaboration avec le Bureau Européen de l’Environnement et BirdLife Europe, le 12 février prochain à Bruxelles.