Certains partis politiques proposent de baisser le taux de TVA sur l’énergie. Cette mesure s’avèrerait socialement injuste et encouragerait une surconsommation d’énergie. Seule exception souhaitable : une TVA réduite sur l’autoconsommation collective. Voici pourquoi.
Dans un contexte de crise sociale (« gilets jaunes ») et de campagne électorale, certains partis politiques proposent une baisse généralisée du taux de TVA sur l’énergie (mazout, électricité, diesel), qui passerait de 21% à 6% comme ce fut le cas de fin 2013 à fin 2015.
Dans une carte blanche, les associations environnementales démontrent que cette mesure serait socialement injuste et mal ciblée :
« La consommation moyenne des ménages nantis est supérieure à celle des ménages modestes. Ainsi, les 25 % les plus riches consomment en moyenne un surplus de 77 % de mazout de chauffage, de 55 % d’électricité et de 310 % de diesel par rapport aux 25 % de ménages les plus pauvres. Ceci signifie que, pour une baisse de TVA permettant d’alléger la facture des plus pauvres de 50 € (ce qui serait une bonne chose), l’avantage pour les plus aisés serait bien supérieur : près de 90 € dans le cas du mazout, près de 80 € dans le cas de l’électricité, et plus de 200 € dans le cas du diesel. » Ce qui encouragerait les ménages aisés à consommer toujours plus d’énergie (fossile et polluante).
Cette idée de baisse généralisée du taux de TVA peut ainsi être considérée comme une défiscalisation favorisant les ménages les plus riches et les plus hauts consommateurs d’énergie. En outre, cette perte de recettes pour l’Etat, il faudra bien aller la compenser ailleurs, ou réduire les services publics.
Un chèque-énergie pour les ménages modestes
Les associations environnementales proposent notamment une mesure mieux ciblée socialement : un chèque-énergie sur la partie TVA pour les ménages modestes.
Avec une TVA à 21%, les ménages aisés, grands consommateurs d’énergie, seraient par ailleurs toujours incités à maîtriser leur consommation d’énergie et à faire des investissements économiseurs d’énergie.
Un incitant pour l’autoconsommation collective
Il existe cependant une exception où une TVA réduite serait une mesure positive pour la collectivité : l’autoconsommation collective.
La Wallonie prépare actuellement un décret qui permettra aux propriétaires d’installations photovoltaïques de vendre leurs surplus d’électricité solaire à leurs voisins (lire nos articles La Wallonie avance sur l’autoconsommation collective et Comment vendre son électricité solaire à son voisin ?).
Encouragée par l’Europe, cette dynamique se développe depuis plusieurs années en Allemagne et en France et ouvre de nombreuses opportunités : un centre sportif équipé en panneaux photovoltaïques et qui alimente en électricité le quartier, une école qui partage son électricité avec une bibliothèque, des habitations et un magasin, un immeuble social qui fournit une électricité à prix réduit aux locataires, …
Pour que ce modèle puisse se développer, le prix de l’électricité solaire en autoconsommation collective doit être inférieur au prix de l’électricité sur le réseau. Une TVA à 6% serait donc un incitant bénéfique pour la collectivité.
Cette mesure se justifierait ici par une dynamique intéressante pour la collectivité : tous les consommateurs (ménages, entreprises, institutions, …) peuvent rejoindre une autoconsommation collective locale, cette électricité produite et consommée localement ne doit pas être achetée ailleurs (par une importation des pays voisins par exemple), ce qui contribue à améliorer la balance commerciale. Le manque à gagner sur la TVA est donc compensé par une production d’électricité relocalisée et renouvelable, qui remplacera des productions carbonées produites et achetées ailleurs.
En résumé, ces mesures ciblées – chèque-énergie et TVA à 6% sur l’autoconsommation collective – s’avèreraient plus justes socialement et plus bénéfiques pour la collectivité.
Une taxe carbone progressive
Les experts de l’énergie arrivent à des conclusions similaires concernant la fameuse taxe carbone – lire par exemple cette analyse de Jean-Marc Jancovici.
Au lieu de détaxer l’énergie, il s’avère socialement plus juste de la taxer graduellement. Si l’on regarde le système fiscal globalement, une taxe justifiée à un endroit permet de défiscaliser à un autre endroit. Dans le cas des taxes carbone et sur l’énergie de manière générale, l’idée serait de taxer de plus en plus l’énergie grise (l’énergie nécessaire à la fabrication des objets) et de détaxer de plus en plus le travail pour que le travail humain redevienne compétitif face aux machines et pour permettre à certains secteurs doux et verts de se développer.
A propos de taxe carbone et de justice fiscale, lire notre article « Gilets jaunes » et climat, même combat ?