Allemagne : croissance des renouvelables mais stagnation du CO2

En 2017, pour la première fois en Allemagne, l’éolien a produit plus d’électricité que le charbon et le nucléaire. Mais les émissions nationales de CO2 stagnent. En cause : la boulimie énergétique du transport, de la construction et de l’industrie.

L’agence officielle Agora Energiewende a publié récemment le bilan 2017 de la transition énergétique allemande (« The energy transition in the electricity sector: State of affairs 2017 »). En voici les faits marquants.

Croissance des renouvelables

En 2017, les énergies renouvelables ont battu un record et fourni 36,1% de l’électricité en Allemagne (soit +3,8% par rapport à 2016).

L’éolien y a contribué massivement, en raison de la croissance actuelle du parc éolien allemand et des bonnes conditions venteuses en 2017. Pour la première fois en Allemagne, l’éolien a produit plus d’électricité que le charbon et le nucléaire.

Par ailleurs, la production d’électricité à base de charbon et de nucléaire continue de décroître.

Comme prévu, un réacteur de la centrale nucléaire de Gundremmingen en Bavière a été fermé fin 2017, après 34 ans d’activité. Les 7 autres réacteurs encore actifs fermeront d’ici fin 2022.

La transition énergétique progresse donc bien, en termes d’intégration des productions renouvelables et de phasing out programmé du nucléaire (voir graphiques ci-dessous).

Stagnation du CO2

Par contre, les émissions de gaz à effet de serre ont stagné à un niveau élevé en 2017, pour la troisième année consécutive, au lieu de décliner comme initialement estimé.

En 2017, les émissions de CO2 ont légèrement diminué dans la production d’électricité, en raison d’une moindre production à base de charbon. Mais elles ont augmenté dans les secteurs du transport (surtout le fret), de la construction et de l’industrie, en raison d’une plus grande consommation de pétrole et de gaz (graphique ci-dessous).

« La tendance actuelle montre que l’Allemagne réduira ses émissions de 30% d’ici 2020 par rapport à 1990, au lieu des 40% planifiés », indique Dr Patrick Graichen, directeur de Agora Energiewende.

En cause : la croissance de la consommation d’énergie (+0,8% en 2017 par rapport à 2016), en particulier de l’électricité, le diesel et le gaz naturel.

« Les progrès en matière d’efficacité énergétique sont insuffisants pour compenser, voire surcompenser, la consommation supplémentaire résultant de la croissance économique et démographique », explique M. Graichen.

Croissance des exportations d’électricité

En termes de balance commerciale, l’Allemagne s’affiche comme leader européen des exportations d’électricité : plus de 60 TWh ont été vendus à l’étranger en 2017, soit environ 10% de la consommation d’électricité en Allemagne. L’explication en est simple. Comme le marché allemand affiche l’un des prix de l’électricité les plus bas en Europe, il s’avère plus intéressant pour les producteurs au charbon et au gaz de vendre leur électricité aux pays voisins. Le revenu global de cette exportation représente ainsi 1,4 milliard €.

Les prix de l’électricité sont moins chers quand il fait ensoleillé ou venteux et peuvent régulièrement devenir négatifs, ce qui indique un besoin croissant de flexibilité (lire notre article Prix de l’électricité négatifs : une chance pour le stockage).

Les prix de gros de l’électricité en 2017 ont légèrement augmenté par rapport à 2016 en raison de la hausse des prix à l’importation du charbon et du gaz naturel. L’électricité des ménages devrait donc coûter 1,4% de plus en moyenne en 2018, ce qui signifie que le kilowattheure coûtera pour la première fois plus de 30 cents.

L’éolien et le photovoltaïque désormais plus compétitifs

En revanche, les enchères d’énergies renouvelables en 2017 ont montré à quel point l’éolien et l’énergie solaire sont devenus bon marché : le prix d’un kilowattheure est tombé à moins de 5 centimes pour l’énergie solaire, à moins de 4 centimes pour l’éolien terrestre et à moins de 2 cents pour l’éolien offshore (voir graphiques ci-dessous).

Cela signifie que l’électricité produite par ces sources renouvelables est désormais moins chère que l’électricité produite par les nouvelles centrales conventionnelles (lire nos articles La transition énergétique allemande est-elle toujours citoyenne ? et  2017 ou la victoire économique du solaire et de l’éolien).

Si la croissance des renouvelables est ainsi assurée, il s’agit désormais pour l’Allemagne de réduire sa consommation d’énergie.

« Si le nouveau gouvernement ne réagit pas rapidement, l’Allemagne ratera largement ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour 2020 et aussi pour 2030 », conclut ainsi le directeur de Agora Energiewende.

Enfin, le rapport montre que l’opinion publique allemande soutient très largement la transition énergétique mais critique les politiques menées, qui font supporter le coût par les ménages tandis que les milieux plus aisés et les entreprises tirent les bénéfices de cette transition.