Agriculteurs, rejoignez les circuits courts de l’énergie !

Les agriculteurs peuvent désormais équiper leurs bâtiments et terrains de productions d’énergies renouvelables et partager cette électricité verte avec d’autres consommateurs au sein d’une communauté d’énergie. Ce qui génère des revenus supplémentaires, mais aussi une dynamique locale positive.

En tant qu’agriculteurs, vous êtes les premiers concernés par le développement du concept de circuits courts dans l’alimentation : produire et consommer les produits alimentaires au niveau local, dans un périmètre géographique restreint.

Or, ce concept se développe désormais aussi dans le domaine de l’énergie et vous avez tout à y gagner, notamment une source de revenu supplémentaire. Le principe est exactement le même, mais au lieu de parler de flux alimentaires, il est question ici de flux énergétique, sous forme d’électricité, de combustible ou de carburant.

Le développement des circuites courts énergétiques se matérialise principalement à travers le concept de « communauté d’énergie » c-à-d des citoyens et des entités (communes, écoles, entreprises, fermes, …) qui produisent et partagent une énergie renouvelable locale, à un tarif avantageux.

Ces communautés, définies par le droit européen et bientôt encadrées légalement en Wallonie, constituent un nouvel acteur du marché de l’énergie qui, au même titre que les grands groupes privés actuels (Engie, Luminus, Eneco, …), auront le droit d’exercer toute une série d’activités : production, stockage, vente, fourniture et partage (entre ses membres) d’énergie, offre de services d’efficacité énergétique, de bornes de recharges pour véhicules électriques, … (lire notre article Vers des citoyens acteurs du marché de l’énergie durable).

A la différence des grands groupes, les membres ou actionnaires de ces communautés devront en priorité être des acteurs locaux et non-professionnels de l’énergie. En outre, les communautés devront générer des bénéfices sociaux, environnementaux ou économiques pour leurs membres et les territoires où elles exercent leurs activités, plutôt que de rechercher le profit.

Placés au centre du marché de l’énergie et de la transition énergétique, les consommateurs jouent ici un rôle bien plus actif que de simples « payeurs de facture ».  

 

Agrivoltaïsme, biogaz, éoliennes

 

Les agriculteurs, en tant que citoyens ou PME, disposent d’une place particulièrement intéressante au sein des communautés d’énergie. 

En effet, une exploitation agricole possède souvent de nombreuses possibilités pour produire de l’énergie renouvelable : installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures des bâtiments ou sur certains terrains (ce que l’on appelle « l’agrivoltaisme »), transformer des déchets organiques en biogaz ou en biocarburants, construire des éoliennes sur des terrains agricoles, … 

Plusieurs exploitations se sont déjà engagées dans cette voie mais, la plupart du temps, dans une logique individuelle d’autoconsommation de l’énergie produite et/ou de réinjection sur le réseau. 

Les communautés d’énergie viennent donc élargir le champ des possibles en partageant cette production avec d’autres membres d’une communauté, en mutualisant cette production, en vue de la revendre à d’autres consommateurs en dehors de la communauté, …

 

L’exemple de la coopérative du Haut-Geer

 

Certains pionniers n’ont pas attendu ces nouvelles lois européennes pour avancer dans ce sens. 

Prenons l’exemple de la coopérative du Haut-Geer qui, depuis 2012, réunit 32 agriculteurs de la Hesbaye ainsi que 6 entreprises locales, en vue de valoriser leurs déchets organiques (50.000 tonnes par an) au sein d’une unité de biométhanisation (illustration ci-dessus). 

Le biogaz obtenu permet de faire tourner deux moteurs de cogénération, qui produisent de l’électricité et de la chaleur vertes (lire notre article Faire le plein de biogaz, bientôt une réalité ? https://www.renouvelle.be/fr/actualite-belgique/faire-le-plein-de-biogaz-bientot-une-realite .)
 
Dans les faits, cette coopérative correspond assez bien à la définition de communauté d’énergie et constitue d’ores et déjà un bel exemple qui, une fois que les communautés d’énergie seront reconnues et favorisée par les pouvoirs publics, pourront se développer à plus grande échelle en Wallonie. 

Or, les agriculteurs ont beaucoup de choses à apporter et à y gagner. 

 

Investir et développer ensemble

 


 

Pour les agriculteurs, créer ou rejoindre une communauté d’énergie représente plusieurs avantages.

Premièrement, développer une installation photovoltaïque, biogaz ou éolienne représente un investissement important. Or, investir avec d’autres à travers une communauté, plutôt qu’individuellement, ouvre un champ des possibles beaucoup plus grand. 

Deuxièmement, un tel projet pose des questions en termes d’affectation des sols et d’impact paysager. Réunir les citoyens et d’autres acteurs locaux permet de porter collectivement le projet, ce qui peut considérablement améliorer et pacifier les relations avec les riverains.

Troisièmement, la communauté peut jouer en faveur d’une plus grande intégration sociale. En effet, le fait que les acteurs locaux puissent eux-mêmes définir les conditions de vente ou de partage de l’énergie peut permettre de mieux prendre en compte les inégalités et d’être plus innovant que la simple recherche du profit pratiquée par les grands groupes. 

En outre, la communauté d’énergie peut générer une source de revenus supplémentaires pour ses membres, mais aussi renforcer les liens sociaux et la solidarité.

Enfin, quatrièmement, le développement des communautés permet de démocratiser et décentraliser le marché de l’énergie. Cette démarche est essentielle, afin que l’énergie soit, du moins en partie, la propriété de ceux qui en ont besoin, à savoir vous et nous les consommateurs. Mais aussi que le rythme de la transition énergétique ne dépende pas de l’unique volonté des grands investisseurs. 

 

Prochaines étapes

 

Les communautés d’énergie sont définies dans la législation européenne à travers deux directives (les Directives 2018/2001 et 2019/944). Ces dernières doivent encore être transposées en Belgique en droit régional. Ce qui en théorie sera fait d’ici mi-2021. En outre, les Etats-membres de l’Union européenne devront aussi prévoir une « cadre favorable » (aides financières, accompagnement, …), en vue de faciliter le développement de ces communautés.  

Pour les agriculteurs, c’est donc le bon moment d’imaginer les productions d’énergies renouvelables possibles sur vos bâtiments et terrains, de consulter d’autres citoyens et acteurs locaux et de montrer votre propre projet de communauté.