Les oiseaux évitent mieux les éoliennes peintes en noir

Dans un parc norvégien, certaines éoliennes ont reçu un coup de peinture noire sur une pale (photo ci-dessus). Selon des chercheurs, les collisions d'oiseaux y ont diminué de 70% par rapport aux éoliennes voisines restées blanches. 

Rappelons d’abord que les éoliennes constituent une cause minime d’accidents mortels chez les oiseaux. Des études ont ainsi montré que la mortalité des oiseaux et la destruction des nids sont principalement dues aux chats et aux collisions mortelles avec les fenêtres, les véhicules et les lignes à haute tension (graphique ci-dessous).

Cependant, certaines espèces ne perçoivent pas l’éolienne en rotation comme un danger et risquent donc d’entrer en collision. Il faut donc leur accorder une attention particulière.

En Wallonie, pour chaque projet éolien, plusieurs dizaines d’hectares sont désormais affectés à la biodiversité, si bien que certaines zones du territoire wallon se retrouvent avec une biodiversité locale plus riche après l’installation d’un parc éolien qu’avant. La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux a d’ailleurs publié une enquête intitulée L’incroyable attractivité des zones compensatoires implantées en Hesbaye.

Et la filière éolienne innove constamment afin de minimiser plus encore son impact sur la biodiversité locale, comme nous allons le voir.

Augmenter le contraste

En 2003, des chercheurs américains du National Renewable Research Laboratory avaient ainsi déjà démontré dans une étude que des pales d’éolienne peintes en noir étaient mieux visibles pour les oiseaux.

En effet, pour la grande majorité d’entre eux, une éolienne blanche en mouvement s’apparente à un flou (“motion blur”) qui fait penser à un espace sûr, avec parfois des conséquences fatales. Le fait de peindre une des trois pales en noir augmente le contraste et la visibilité de l’éolienne et permet ainsi aux oiseaux d’éviter cet obstacle à temps.

Cette hypothèse n’avait cependant jamais été vérifiée sur le terrain. C’est précisément ce à quoi s’est attelé une équipe de chercheurs du Norwegian Institute for Nature research (NINA).

L’équipe norvégienne a choisi le site de l’archipel de Smøla, où est exploité un parc de 68 éoliennes. Quatre d’entre elles ont reçu un coup de peinture noire sur l’une des trois pales (photo ci-dessous).

De 2006 à 2016, les chercheurs ont effectué près de 10 000 visites au pied des éoliennes à la recherche de cadavres d’oiseaux, à l’aide de chiens spécialement entraînés.

Les résultats de ces dix ans d’observation, publiés récemment dans la revue Ecology and evolution, sont clairs : les collisions avec les éoliennes peintes en noir ont diminué en moyenne de 70% par rapport à une éolienne voisine restée totalement blanche.

La méthode s’est avérée particulièrement efficace pour les pygargues, aussi appelés aigles à queue blanche. Ces rapaces, connus dans le monde entier comme victimes des éoliennes, ont complètement évité l’obstacle : les impacts sont passés de 6 à zéro avant et après le coup de peinture.

Une expérience spécifique a été menée pour les lagopèdes, une espèce qui entre plutôt en collision avec le mât de l’éolienne. Une dizaine de mâts ont donc été peints en noir à leur base, ce qui a réduit la mortalité de moitié par rapport aux éoliennes blanches de la même zone.

Au cours de ces dix années, les chercheurs n’ont pas constaté de phénomène d’habituation des oiseaux qui aurait provoqué de leur part une baisse de vigilance.

Une expérience à répéter ailleurs dans le monde

Les chercheurs conseillent désormais de répéter l’expérience dans d’autres parcs éoliens dans différentes régions du monde pour mieux valider les résultats enregistrés à Smøla.

L’expérience norvégienne a nécessité du temps, de l’argent et du personnel qualifié car il a fallu peindre des pales de 50 mètres de long déjà installées. Si cette méthode se voit validée partout dans le monde, les constructeurs éoliens pourront prévoir cette mise en peinture en usine, avant l’assemblage et montage de l’éolienne, expliquent les chercheurs dans cet interview.

Lire également notre interview sur la protection de la biodiversité en Wallonie : Les éoliennes s’adaptent aux oiseaux et chauves-souris et notre article Eoliennes : des ultrasons pour mieux protéger les chauves-souris.