Eoliennes : des ultrasons pour mieux protéger les chauves-souris

Une nouvelle technologie à ultrason permet d’empêcher les chiroptères de s’approcher des pales en mouvement. Ce système dissuasif, testé aux Etats-Unis, permet de réduire la mortalité et d’augmenter la production d’électricité éolienne. Le premier test européen se déroule actuellement en Wallonie.

Pour les chauves-souris, les éoliennes représentent un super garde-manger. En effet, les éléments électriques et mécaniques de la machine dégagent de la chaleur, ce qui attire les insectes et donc les chiroptères qui en sont friands !

Or se déplacer à proximité des pales peut s’avérer mortel, vu la vitesse de rotation (300 km/h !) et le changement de pression induit.

Afin de limiter la mortalité et protéger les chauves-souris, les éoliennes de Wallonie situées dans des zones à risque, sont automatiquement mises à l’arrêt, de manière préventive, lorsque les conditions météorologiques sont propices à l’arrivée de ces volatils nocturnes.

De manière générale, les chiroptères se déplacent d’avril à octobre, au crépuscule et tôt matin, par temps sec et absence ou vent modéré.

Dans ces périodes et conditions météorologiques, le développeur éolien peut soit suivre un protocole standardisé avec une perte de production d’électricité d’environ 2,5% par an, soit s’équiper d’un module Chirotech plus précis qui limitera la perte de production à 1% par an (lire notre article Les éoliennes s’adaptent aux oiseaux et chauves-souris).

Ces interventions permettent, dans les deux cas, d’éviter 95 % des contacts avec les chauves-souris.

Cette norme reste cependant imparfaite car, sur le terrain, les observateurs constatent que les éoliennes sont parfois mises à l’arrêt en l’absence de chiroptère ou, au contraire, tournent toujours alors que ceux-ci s’approchent dangereusement. En effet, le comportement saisonnier ainsi que la sensibilité à la vitesse du vent et à la température sont variables d’une espèce à l’autre et parfois d’une localisation à l’autre.

Ce qui explique les 5 % de contacts résiduels, souvent fatals.

 

Les ultrasons, testés et approuvés aux Etats-Unis

 

Copyright : NRG Systems

 

Le secteur éolien continue dès lors à investir dans la recherche et le développement de technologies susceptibles de repérer de manière plus précise la présence de chauve-souris, afin de mieux cibler les mises à l’arrêt des éoliennes et limiter ainsi les pertes de production d’électricité.

Or une nouvelle technologie semble faire aujourd’hui ses preuves : un système dissuasif à base d’ultrason, développé par la société étatsunienne NRG Systems.

Le principe est simple : des haut-parleurs – installés sur la nacelle – émettent des ultrasons entre 20 et 50 kHz, inaudibles à l’oreille humaine mais perceptibles par la plupart des espèces de chiroptères. Cet écran sonore brouille les repères de géolocalisation des chauves-souris, un effarouchement qui provoque le départ vers d’autres lieux.

Pour les développeurs éoliens, ce système dissuasif offre un avantage de taille : l’éolienne peut continuer à tourner et à produire, puisque la majorité des chauves-souris ne s’en approche plus.

NRG Systems, en collaboration avec l’Université d’Etat du Texas, a testé ce système au Texas sur 16 éoliennes de 2 MW, en 2017 et 2018 – photo ci-dessous.

Copyright : NRG Systems

 

Selon la chercheuse chargée de ce premier test, les résultats sont très encourageants : la mortalité a chuté de 46% et même 51% pour une espèce en particulier – lire cette interview.

Un deuxième test a été réalisé fin 2018 dans l’Illinois sur 15 éoliennes, avec une réduction moyenne de 67% de la mortalité des chauves-souris présentes sur ce site. Les résultats sont supérieurs ou inférieurs selon les espèces (lire ce communiqué).

Fort de ces résultats, le développeur Duke Energy Renewables a décidé d’équiper ses 255 éoliennes situées au Texas, ce qui constitue le premier déploiement commercial de cette technologie (lire ce communiqué).

 

Premier test européen en Wallonie

 

En Europe, le premier test d’ultrason se déroule actuellement …en Wallonie, sur l’une des cinq éoliennes du parc de Modave, géré par Engie (photos de l’expérience en tête d’article et ci-dessous).

Ici, le dispositif d’effarouchement est doublé de caméras infrarouges qui détectent la présence réelle de chauves-souris et permettent une mise à l’arrêt le cas échéant de l’éolienne. Ces caméras permettent également d’observer le comportement des chauves-souris afin de mesurer la variation d’activité entre les périodes de fonctionnement et non-fonctionnement des haut-parleurs à ultrasons (ils sont allumés et éteints en alternance tous les 2 jours, pour permettre de comparer les résultats, avec ou sans ultrason).

Un système supplémentaire de micro pourra détecter la présence de chauves-souris, comptabiliser et identifier les espèces présentes, afin de compléter les observations issues des caméras. Il est à noter que les périodes d’arrêts préventives actuelles restent d’application durant la période du test, qui se déroulera jusque fin octobre 2019.

Copyright : ENGIE

 

« Cette technologie n’est pas encore mature », expliquent Loïc Biot et Stéphane Bronckers, qui gèrent ce test pour Engie Laborelec. « Et il est nécessaire de la tester en Europe, car on y trouve des espèces de chiroptères spécifiquement européennes. Les résultats des tests américains ne peuvent donc pas être utilisés en Europe. »

Tout est une question de réglages : « On doit utiliser et tester des fréquences ultrasons différentes pour chaque espèce. Et les espèces présentes sont différentes et variables selon les sites éoliens. »

Les résultats du test de Modave seront analysés d’ici début 2020.

S’ils sont concluants, ils devraient être présentés au Service Public de Wallonie et au ministre wallon de l’Environnement en vue d’obtenir une autorisation pour utiliser les ultrasons – en tout ou en partie – en lieu et place du bridage actuel.

Engie Laborelec envisage également de tester ce dispositif sur des éoliennes offshore. Il s’agit ici de protéger les chauves-souris en migration, notamment sur les couloirs France-Angleterre et Allemagne-Danemark.

Le groupe Engie, qui gère environ 2.000 éoliennes en Europe (en fonctionnement ou en projet), espère ainsi augmenter sa production d’électricité.

Le test de Modave servira également de première référence pour l’ensemble du secteur éolien européen, qui pourrait à terme, grâce à cette nouvelle technologie, augmenter sa contribution aux objectifs européens d’énergies renouvelables.