A pied ou à vélo vers l’école, pour un air plus sain

Plusieurs communes belges expérimentent les rangs scolaires à vélo ou les rues scolaires, afin de décongestionner le trafic et dépolluer l’air aux abords des écoles. Voici des retours d’expérience. 

Le Gouvernement wallon compte multiplier par 5 l’usage du vélo d’ici 2030, afin de remplacer les déplacements en voiture évitables. Mais pour ce faire, le citoyen doit disposer de réseaux cyclables praticables et sûrs. Plusieurs communes wallonnes se montrent volontaristes et créent les infrastructures nécessaires (lire notre article Des communes wallonnes investissent dans la mobilité douce). 

Une attention toute particulière est portée sur les déplacements vers les écoles. 

En effet, les abords des écoles reflètent la place prise par les voitures dans nos déplacements journaliers. Rares sont les établissements scolaires qui ne sont pas encombrés par des véhicules au début et à la fin des classes.  

En Belgique, 35% des déplacements sont inférieurs ou égaux à 5 km. Se rendre à l’école représente 10% des motifs de déplacement, selon une enquête du SPF Mobilité en 2019. 

Un volume élevé de trafic aux portes des écoles peut entraîner des situations dangereuses et une concentration des polluants dans l’air, au moment précis où un grand nombre d’enfants s’y trouvent.  

Un rapport de Greenpeace sur la qualité de l’air dans les écoles montre que, dans la rue à l’entrée de l’école, seulement 3% des écoles testées ont un niveau de NO2 (un gaz polluant essentiellement issu du trafic) inférieur à 10 µg/m³, correspondant à une bonne qualité de l’air. Pour 59% des écoles testées, l’air est de qualité mauvaise ou médiocre.  

En termes de sécurité, un cercle vicieux pousse les parents à conduire leur enfant en voiture en raison du sentiment d’insécurité générée par le chaos routier. 

Alors, que faire ? 

Des communes wallonnes ont décidé de passer à l’action, par deux moyens : les rangs scolaires à vélo et les rues scolaires. 

Nous bénéficions ici de retours d’expérience, récoltés par la campagne Politique Locale Energie Climat (POLLEC) et publiés dans une fiche de bonnes pratiques

 

Rangs scolaires à vélo à Perwez 

 

La commune de Perwez, à l’Est du Brabant wallon, a mis en place en 2008 des rangs scolaires à vélo, qui connaissent depuis lors un véritable succès (photo ci-dessus). Les parents ne jouent plus les taxis pour déposer leurs enfants à l’école; ceux-ci s’y rendent à vélo, avec d’autres élèves motivés, accompagnés par deux adultes. 

L’organisation pratique est plutôt simple. Chaque année, un passage dans les classes permet d’informer les élèves et de recueillir les inscriptions aux rangs vélo.  

Sur base des résultats, les coordinateurs représentent par un point, sur une carte de la région, chaque élève intéressé. Des nuages de points permettent ensuite de former des itinéraires. Ceux-ci desservent toutes les écoles de l’entité, tous réseaux confondus. 

Le nombre d’itinéraires et la fréquence des rangs varient selon les années, suivant les inscriptions et les disponibilités horaires des adultes pour accompagner les rangs. En 2019, 5 itinéraires étaient proposés. Ils sont choisis en privilégiant la sécurité : sentiers, routes peu fréquentées, chemins de remembrement, RAVeL,… Une validation des itinéraires par les services de Police est intéressante. 

 

Uniquement pendant la bonne saison 

 

Les rangs vélos sont organisés uniquement pendant la bonne saison (de la reprise des cours après les congés de printemps à la fin juin et pendant le mois de septembre) principalement pour des raisons de sécurité et de confort. Les jeunes cyclistes et leurs accompagnateurs espèrent ainsi ne circuler qu’à la lumière du jour et avec une probabilité d’avoir des conditions climatiques favorables plus grandes.  

Selon les années, les rangs rassemblent entre 50 et 75 inscrits, à partir de la 4ème primaire. Des enfants plus jeunes d’une même fratrie peuvent accompagner, à condition de savoir bien rouler. L’idée étant d’éviter de devoir sortir la voiture pour conduire l’un de ses enfants à l’école alors que le.s aîné.s s’y rend.ent à vélo. 

 

Un faible coût 

 

L’équipe d’accompagnateurs se composait en 2019 de 11 personnes : les employés communaux du Service Communal d’Aide aux Jeunes, le conseiller en mobilité, le gestionnaire du centre sportif, les gardiens de la Paix et des bénévoles. Ils ont tous suivi deux jours de formation dispensés par l’association Pro Velo.  

Selon les coordinateurs, il est nécessaire de prévoir des accompagnateurs de « réserve » en cas d’empêchement (maladie, vacances…).  

Le temps consacré par le personnel communal lors de l’accompagnement des rangs et lors de la promotion annuelle des rangs vélo est le seul coût identifié pour cette action.  

 

Assurance scolaire

 

Vu qu’ils sont sur le chemin de l’école, les élèves sont couverts par l’assurance scolaire. Un gilet fluo et un casque sont requis pour l’ensemble des participant.e.s. 

Les crevaisons et autres pépins techniques sont rares. S’ils surviennent, l’un des adultes accompagne l’enfant avec son vélo à l’école ou son domicile pour la réparation. La fiche de bonnes pratiques recense également les différents facteurs de réussite qui ont permis de pérenniser cette action à Perwez.

 

De nombreux avantages pour la collectivité 

 

Outre l’impact énergétique, environnemental et d’amélioration de la qualité de l’air, les rangs vélos encadrés apportent de nombreux avantages à la collectivité :  

  • ils donnent le goût aux déplacements à vélo et éduquent à une mobilité moins énergivore et plus durable, avec relais vers les familles ;  
  • ils engendrent des besoins d’installation d’abris vélos,… qui rendent visibles la présence du vélo au quotidien à l’école ;  
  • ils favorisent l’exercice physique et contribuent à une meilleure condition physique des enfants ;  
  • ils permettent aux jeunes cyclistes d’apprendre à prendre leur place dans le trafic ;  
  • ils permettent des échanges intergénérationnels et améliorent la convivialité sur le chemin de l’école ;  
  • ils contribuent à donner à l’enfant une plus grande autonomie : certains rangs dits « pirates » sont observés avec des groupes d’enfants cyclistes en dehors des jours de rangs scolaires officiels sur des itinéraires sécurisés désormais connus.  

 

 

Des rues scolaires, sans voitures 

 

Aménagement d’une rue scolaire à Braine-le-comte

Depuis octobre 2018, les communes belges sont autorisées à créer des rues scolaires : la circulation y est réservée aux piétons et aux cyclistes de manière temporaire et à certaines heures, au vu de la présence d’une école dans la rue. 

L’expérience de Gand a montré qu’une rue scolaire n’est durable dans le temps que si elle répond à une insécurité aux abords de l’école, reconnue par les différentes parties prenantes (parents, école, commune, résidents). Sa gestion quotidienne demande beaucoup d’implication et de bonne volonté de chacun. C’est l’école qui, dans les faits, gère au quotidien la barrière d’accès et doit trouver des personnes volontaires pour s’en occuper. 

En Région Bruxelloise, les communes sont à la recherche de solutions structurelles (de type poteaux rétractables automatiques, barrières automatiques, …) pour éviter de devoir compter sur des personnes volontaires pour placer et enlever les barrières régulant l’accès aux rues scolaires. 

En Wallonie, plusieurs communes wallonnes ont testé la mise en place d’une rue scolaire dans le cadre de la semaine de la mobilité en septembre 2019 : Braine-le-Comte, Seneffe, Walcourt et Couvin. A Mont-Saint-Guibert, un test d’une durée de 6 semaines a été mis en place. Tandis que Nivelles a expérimenté un test durant un an. 

Aménagement d’une rue scolaire à Mont-st-Guibert

Aménagement d’une rue scolaire à Seneffe

 

La fiche bonnes pratiques tire plusieurs enseignements de ces phases test, notamment : 

  • Les communes pilotes conseillent d’étudier au préalable la mobilité scolaire dans le cadre plus large du plan communal de mobilité, afin de poser un choix en toute connaissance de cause. En effet, d’autres solutions que la rue scolaire peuvent être mises en place et doivent être envisagées : changement du plan de circulation (sens unique, …), apaisement du quartier (zone 30, zone résidentielle, …), piétonnisation, circulation globale du quartier, etc.  
  • L’implication des directions d’école, du corps enseignant, de la Police, d’associations, de parents, … sont cruciales pour la réussite du projet.  
  • Des solutions de parking ou dépose-minute doivent être identifiées, à proximité de l’école afin de permettre à l’enfant de rejoindre l’école à pied, seul ou accompagné. Prévoir une communication pratique aux usagers, telle que : “à partir de ce parking, 5 min à pied seront nécessaires pour accompagner à pied votre enfant de maternelle.”  
  • Prévoir des infrastructures adéquates pour ranger les vélos, trottinettes, etc.  
  • Ne pas négliger le travail que représente une communication optimale et la logistique de gestion quotidienne de la rue scolaire. A Mont-st-Guibert, sur 6 semaines, cela a représenté environ 1000 h de travail – étude, préparation, communication, Police, personnel communal, école, … La commune conclut qu’un aménagement pérenne pour la barrière à l’entrée de la rue scolaire faciliterait la logistique.