6 choses à savoir sur les prix élevés de l’électricité

Les prix de l’électricité sur le marché intra-journalier ont récemment atteint des records. Pourquoi ? Avec quels impacts sur la facture ? A plus long terme, quelles sont les solutions pour stabiliser les prix ?

1. Pourquoi les prix sont-ils élevés ?

Les prix sont élevés par le simple principe de l’offre et de la demande. En l’occurrence, l’offre à fortement diminué suite à la mise à l’arrêt imprévue de plusieurs systèmes de production considérés comme totalement fiables (réacteurs nucléaires) et la demande commence à augmenter avec l’apparition des premiers frimas. Cette actualité est relayée en temps presque réel sur le blog de l’ULg

Mais l’intermittence actuelle de la production du nucléaire n’est pas la seule explication. Les prix de l’électricité chez certains de nos voisins (Allemagne et Pays-Bas) peuvent être très bas en comparaison avec la France et la Belgique, comme ce fut le cas en ce début novembre (voir illustration). Nous n’avons cependant pas pu en profiter car notre réseau n’est pas suffisamment interconnecté, ou pas interconnecté du tout, avec ces pays. Impossible dès lors pour nous de faire notre marché là où l’énergie est la moins chère. La Belgique reste encore fortement dépendante de son voisin Français et, par voie de conséquence, totalement dépendante des soubresauts d’une technologie nucléaire qui domine largement cette aire de marché.

2. Cela a-t-il un impact sur la facture des particuliers ?

A court terme, cela n’a aucun impact sur la facture du particulier. Le prix payé par ce dernier représente un prix moyen et lissé sur une année par son fournisseur. A moyen terme, il est cependant possible que ces fournisseurs veuillent récupérer le surcoût. A plus long terme – mais nous spéculons -, une incertitude croissante sur la fiabilité du parc nucléaire pousse les prix à la hausse.

A l’inverse, les entreprises qui payent l’électricité en fonction du moment de consommation (les industriels par exemple) sont, eux, directement impactés par ces hausses des coûts.

3. Cela augmente-t-il le risque de black-out ?

A priori, les éléments ne sont pas liés, donc personne ne peux dire qu’une électricité chère est le présage d’un black-out imminent.

A ce titre, l’opérateur ELIA est la référence unique en Belgique et continue à publier chaque jour son indicateur sur l’équilibre du réseau. Et cet indicateur est toujours au vert. Notre gestionnaire du réseau de transport a d’ailleurs communiqué dans la presse le fait qu’il voyait l’hiver 2016-2017 avec moins d’appréhensions que les précédents en matière de risque de pénurie d’électricité.

4. Quelles sont les solutions pour stabiliser les prix ?

A chaque problème sa solution.

  1. Le problème de l’offre trop dépendante du nucléaire : la solution se trouve dans une diminution des capacités de cette technologie au profit du développement diversifié de systèmes renouvelables. On pense à l’éolien onshore et offshore – souvent très productifs en période hivernale justement – mais également au solaire photovoltaïque ou encore aux cogénérations biomasse décentralisées (lorsque ni vent ni soleil ne sont présents).
     
  2. Le problème de la demande qui augmente à la faveur des frimas : on trouve des solutions dans les capacités de flexibilité des industries et des grandes entreprises, c’est-à-dire la possibilité de réduire leur consommation au bon moment via un contrat avec le gestionnaire de réseau (« demand response »). Plusieurs opérateurs de service en « demand response » existent sur le marché belge et agissent déjà au niveau des consommateurs flexibles. Il va sans dire que l’augmentation de la performance énergétique des bâtiments fait également partie de la solution, sur le plus long terme.

 

  1. Le problème d’accès à des marchés moins chers : la solution se trouve dans une augmentation des capacités d’interconnexion avec les réseaux électriques des pays voisins. Cette plus grande interconnexion permet d’augmenter l’offre mais également d’augmenter les capacités d’exportations de nos surplus d’énergie, en été par exemple.
     

5. Dans quels délais auront-nous des interconnexions supplémentaires ?

Une connexion avec l’Allemagne est en cours de réalisation et permettra d’acheter de l’électricité éolienne et solaire meilleure marché. Il s’agit du projet Alegro (illustration ci-dessous). D’une capacité de 1000 MW (1/10ème de la consommation électrique belge moyenne), sa finalisation est prévue pour l’année 2020.

Le projet Stevin est également en cours de réalisation vers la mer du Nord et permettra de connecter un plus grand nombre d’éoliennes offshore à notre réseau. Il développera également une interconnexion de 380 kV avec l’Angleterre (projet Nemo). Démarré en 2015, le projet Stevin devrait être totalement opérationnel en 2019.

6. Augmenter l’offre diversifiée en énergies renouvelables : pour quand ?

Le Bureau fédéral du Plan a établi la possibilité pour la Belgique d’être 100% renouvelable en 2050, soit dans un temps que plus de la moitié de notre population devrait connaître.

Les scénarios existent et les technologies solaires et éoliennes font partie des solutions économiquement les plus compétitives aujourd’hui et plus encore demain.

Aujourd’hui, il manque une volonté politique de communication positive et d’actions concrètes, tous niveaux de pouvoir confondus, afin d’avoir un agenda précis sur la mise à l’arrêt des réacteurs nucléaires et dès lors sur le développement d’équipements renouvelables à réaliser dans cet échéancier.

Le gouvernement fédéral dispose, entre autres, des compétences en matière de nucléaire, d’éolien offshore et de sécurité (stockage hydraulique de Coo et interconnexions par exemple).

Les gouvernements régionaux disposent des compétences en matière d’éolien onshore, de photovoltaïque, de cogénération biomasse et d’hydro énergie, et peuvent prendre des mesures d’économies d’énergie.

Et globalement, tous les politiques ont la capacité d’initier des discussions collégiales, à la hauteur des enjeux qui sont devant nous et permettant de définir une stratégie qui, quitte à dépasser les mandats électoraux, permette à la société civile de s’engager avec confiance dans une transition énergétique active et solidaire.