Agrivoltaïsme : Quelles applications possibles en Belgique ?

Installer du photovoltaïque sur des bâtiments ou des terrains agricoles permet de combiner deux activités : produire de l’électricité et développer une culture ou un élevage. Mais chaque technologie présente des avantages et inconvénients.

Le monde d’aujourd’hui doit faire face à un triple défi pour 2050 : limiter le changement climatique en réduisant nos émissions de CO2, tout en étant capable d’alimenter raisonnablement la population mondiale (bientôt 10 milliards d’humains) en nourriture et en énergie.  

Pour y arriver, la production d’énergie devra être renouvelable et éviter une compétition avec les surfaces agricoles disponibles. 

Sur un petit territoire comme la Belgique, il s’agira de trouver des solutions qui permettent de conserver – ou améliorer – le rendement agricole, tout en fournissant une production d’énergie sur la même surface. C’est ce que l’agrivoltaïsme cherche à atteindre aujourd’hui.

A ne pas confondre avec les centrales solaires au sol, qui occupent parfois des surfaces agricoles sans possibilité de culture, ce qui entre en compétition avec l’activité agricole et pose différents problèmes (lire notre article Centrales photovoltaïques au sol : choisir des sites prioritaires, sans incidence pour les riverains). 

Différentes applications 

L’agrivoltaïsme propose en réalité trois principales applications technologiques très différentes : les installations photovoltaïques sur les toitures des bâtiments agricoles, les ombrières en prairie permettant aux animaux de se protéger du soleil ou des intempéries et les systèmes photovoltaïques surélevés sur des surfaces maraîchères (illustrations ci-dessous). 

Nous présentons ci-après une analyse des avantages et inconvénients de ces trois applications pour les agriculteurs ou développeurs qui souhaitent réaliser un projet en Belgique. 

Installation photovoltaïque sur un bâtiment agricole. 
Structure ombrière en Espagne. Photo : Fotosolar 
Structure photovoltaïque surélevée sur une surface maraîchère.  

Intégration sur les bâtiments agricoles 

Cette première approche est selon nous la meilleure combinaisons possible. La couverture photovoltaïque est placée sur la toiture existante d’un hangar de stockage, ou d’élevage, permettant ainsi de produire de l’électricité solaire sans empiéter sur les surfaces agricoles. 

Premier cas de figure : l’exploitant peut investir sur fond propre, ou par un emprunt, et regagner en 7 à 10 ans sa mise par l’autoconsommation, la revente de l’électricité sur le réseau et grâce aux certificats vert. Il sera le gérant de son installation et devra prendre à sa charge les responsabilités et risques liés à la production. 

Deuxième cas de figure : l’exploitant fait appel à un tiers-investisseur, qui financera l’installation et éventuellement la rénovation de la toiture et percevra les certificats verts. L’agriculteur peut soit bénéficier de l’autoconsommation, soit louer sa toiture au tiers-investisseur – qui vendra l’électricité sur le réseau. 

Il existe un troisième cas de figure, celui de partager la production avec d’autres consommateurs locaux, mais le cadre légal ne permet pas encore à ce type de solution de se généraliser (lire notre article Agriculteurs, rejoignez les circuits courts de l’énergie !).

Avantages 

  • L’agriculteur peut rentabiliser son investissement entre 7 à 10 ans, et réduit par la même occasion ses frais d’électricité. 
  • Le tiers investisseur est une formule intéressante si l’agriculteur ne dispose pas suffisamment de fond propre (pour une installation de 350m², comptez 80 000€ – 90 000 €).Un revenu annuel supplémentaire pour l’agriculteur peut être dégagé. 

Inconvénients 

  • L’agriculteur n’est pas toujours le propriétaire de ses bâtiments, ce qui rend la décision d’équipement plus complexe. 
  • La rentabilité du projet – pour l’agriculteur comme pour le tiers-investisseur – dépend fortement de certains paramètres : orientation de la toiture, prix de l’installation, accessibilité du hangar, coût des travaux de rénovation, … 
  • Le poids d’une nouvelle installation solaire demande parfois une étude de stabilité, ce qui alourdit le projet initial.  
  • Le tiers-investissement n’a pas toujours eu bonne réputation dans le secteur solaire photovoltaïque en Belgique, en raison de certains abus qui ont eu lieu lors du grand boom de la filière en Wallonie (2009-2012). Il faut donc veiller à sécuriser le contrat (lire notre article Tiers-investissement photovoltaïque : une formule intéressante à Bruxelles, si le contrat est bien sécurisé). 

Les ombrières sur terrains agricoles 

Photo : Fotosolar

Les ombrières photovoltaïques existent déjà sur des parkings en Belgique, permettant de protéger les voitures du soleil et des intempéries tout en produisant de l’électricité (lire notre article PAIRI DAIZA construit le plus grand parking photovoltaïque au monde). 

Ce type de technologie s’avère également pertinent pour les agriculteurs qui cherchent une solution pour protéger leurs animaux d’élevage (bétail, chevaux, cochons, …). 

Avantages 

  • L’ombrière protège les animaux des rayons du soleil en été et des intempéries (grêles, pluie, neige, …) et répond donc à un besoin de l’éleveur. 
  • La structure présente la même densité de panneaux qu’une intégration en toiture, ce qui est optimal. 
  • Cette application peut intégrer des panneaux bifaciaux, c-à-d qui produisent de l’électricité sur les deux faces. Cela permet un gain de 4 à 10% de production supplémentaire comparé à un système fixe monofacial (lire notre article Le bifacial promis à un bel avenir).  

Inconvénients

  • Les modèles de financement présentent les mêmes avantages et inconvénients que le cas précédent (intégrations sur les bâtiments agricole). 
Ombrière pour animaux d’élevage avec intégration de panneaux bifaciaux. Illustration : LuciSun. 

Des systèmes agrivoltaïques sur des surfaces maraîchères 

Photo : Sun’Agri. 

Cette application fonctionne sur deux étages : la production agricole au sol (salades, vignes, …) et la production photovoltaïque sur une structure porteuse surélevée à minimum 4m du sol (structure fixe ou orientable). 

Illustration : Sun’R – 2017 

L’emprise au sol n’est que limité par les pylônes souvent espacés entre eux de plus de 6m. 

La structure permet de laisser libre accès à l’utilisation du champ, tandis que les panneaux sont espacés de manière à laisser un spectre lumineux atteindre les plantes en croissance. 

Photo : Sun’Agri. 

Photo : Sun’Agri. 

Photo : Sun’Agri. 

Ce type d’application permet de combiner une production agricole avec une production d’électricité. On produit un peu moins de culture et un peu moins d’électricité, mais comme on combine les deux sur une même surface, on produit au final plus de matière (culture et électricité) que si ces productions étaient développées sur des terrains différents. 

Selon une étude menée en France par la société Sun’R et l’INRA de Montpelier, sur une installation photovoltaïque intégrée à une zone de culture de salade (photos ci-dessus), cette application permet d’économiser de 35 à 73% du terrain agricole. 

L’étude analyse les rendements de différentes technologies.  

La structure sur axe fixe orienté au Sud et avec un espacement des panneaux  offre le moins bon rendement (salades et électricité), et s’avère donc peu pertinente pour l’agrivoltaïsme. 

Les chercheurs comparent ensuite deux modèles de traqueurs solaires, à axe horizontal, orientables Est-Ouest : 

  • Un traqueur qui suit la course du soleil toute la journée, offrant parfois un ombrage sur les salades (modèle “solar tracking” – ST) ; 
  • Un traqueur qui s’incline le matin et le soir pour garantir la lumière sur les salades ; et qui suit la course du soleil de 11h à 15h offrant ainsi un ombrage au moment où les rayons sont les plus agressifs (modèle “controlled tracking” – CT). 

Il en résulte que, au printemps par exemple, le modèle ST produit plus d’électricité mais un peu moins de salades que le modèle CT. 

Etant donné que la production de salades par m2 s’avère plus rentable que la production d’électricité solaire (en France comme en Belgique), le modèle CT s’avère le plus intéressant sur une culture maraîchère. 

Mais quid des autres cultures ? Épinards ? Carottes ? Betteraves ? Pommes de terre ? L’agrivoltaisme a une incidence différente sur chaque culture et le secteur ne dispose pas encore d’un retour d’expérience suffisant pour connaître le rendement de cette application en Belgique. 

C’est précisémment ce qui pousse une équipe de chercheurs de Gembloux Agro-Bio Tech à s’intéresser à cet agrivoltaïsme transposé à l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Leur but : se poser les bonnes questions en matière de rentabilité et d’empreinte environnementale (lire cet article du Sillon belge).

Inconvénients 

  • Le principal inconvénient réside au niveau de la structure. Celle-ci étant surélevée à plus de 4m de hauteur pour augmenter la pénétration solaire et l’utilisation de certains engins agricoles, son coût rend le financement du projet conséquent. Le surinvestissement initial par rapport à un système traditionnel de production électrique situé à 1m du sol (champ solaire) donne un coût de production solaire difficilement compétitif (+30% de coût par rapport à une structure au sol). Ce système reste donc intéressant uniquement si l’ombrage est une valeur réellement cherchée par les cultivateurs pour protéger les récoltes d’une augmentation des températures dû au réchauffement climatique. 
  • Il peut y avoir une érosion possible des sols si la concentration en pluie qui ruisselle sur les panneaux tombe en un seul point. Le traqueur peut être programmé en mode “pluie” : il s’inclinera alors pour mieux répartir les précipitations. Mais cela rend la gestion complexe. 
  • En Belgique, la plus-value d’une telle structure sur le terrain risque peut-être d’accroître la pression foncière, et de rendre le travail pour l’exploitant plus pénible. 
  • Les résultats montrent que l’agrivoltaïque, même suivant un modèle CT (tracking pour les plantes), n’augmente pas la productivité du sol. Les meilleurs rendements de culture sont au plus proche de 98% en automne, mais tombent à 70% et 80% les autres saisons. 

Conclusions 

Nous avons donc comparé les avantages et inconvénients des trois principales applications de l’agrivoltaïsme. 

En Belgique, l’installation de systèmes photovoltaïques sur les bâtiments agricoles s’avère clairement la solution la plus intéressante pour l’agriculteur et la plus en phase avec les objectifs énergétiques belges. 

En effet, le Plan National Energie Climat pour le photovoltaïque vise une production annuelle de 12.780 GWh en 2030 (contre 5.344 GWh en 2020). Cela nécessitera d’équiper plus de 49 km2 de surfaces horizontales soit 4,4 % des zones artificialisée en Belgique pour le secteur résidentiel, et près de 100% des zones de commerce. 

Ces objectifs seraient également rencontrés si on équipait la moitié des bâtiments agricoles. 

Nous disposons donc de surfaces artificielles suffisantes pour y mettre des panneaux photovoltaïques. Le placement de ce type d’unité sur des terrains agricole n’a dès lors pas beaucoup de sens, hormis les solutions d’ombrières pour les animaux d’élevage. 

Citons enfin une application un peu particulière : les panneaux bifaciaux verticaux (illustration ci-dessous). Nous verrons dans un prochain article comme cette technologie peut s’intégrer sur différents terrains, agricoles ou autres. 

Illustration : LuciSun