L’année 2017 a été marquée par une chute spectaculaire des coûts de production de l’électricité photovoltaïque et éolienne. Une compétitivité qui dépasse désormais les productions d’énergie traditionnelles. Analyse chiffrée.
Nous vivons actuellement des années-charnières qui nous amènent très rapidement vers un nouveau monde de l’énergie. Comme l’expliquait Renouvelle, 2016 fut ainsi une année charnière pour le véhicule électrique (ou le début de la fin du moteur thermique).
Nous tirons aujourd’hui un autre bilan inédit : 2017 fut marquée par une chute vertigineuse des coûts de productions des énergies photovoltaïques et éolienne, au point d’atteindre des niveaux inférieurs aux énergies traditionnelles – ces dernières entament donc le début de leur déclin économique.
En Belgique, certains partis politiques veulent des garanties de chiffres avant de s’engager dans un Pacte énergétique nous permettant de nous passer, entre autre, du nucléaire (lire notre article Pacte énergétique : les chiffres donnent l'avantage aux renouvelables).
Vous vouliez des chiffres ? En voici.
En octobre 2017, le photovoltaïque a battu un record mondial lors d’un appel d’offre en Arabie Saoudite : le prix de vente de l’énergie pour une installation solaire non-subsidiée est tombé à 15,2€/MWh produit. Ce record a ensuite été égalisé en novembre au Chili où l’enchère photovoltaïque la plus basse a atteint 15€/MWh.
Au Chili, les 600 MW en enchère se sont vendus en moyenne à 27,5€/MWh. En Arabie saoudite, les 300 MW en enchère se sont vendus à moins de 25€/MWh (pour 7 lots sur les 8).
En Argentine, plus de 550 MW ont été octroyés fin novembre à 35€/MWh en moyenne (tableau ci-dessous).
En Allemagne – pourtant moins ensoleillée que l’Arabie Saoudite -, la chute est aussi nette et le record se place à 43,9€/MWh avec un prix moyen sous les 50€/MWh pour l’ensemble des 222MW octroyés en octobre 2017.
Nous n’avons pas de chiffres équivalents pour la Belgique, le système d’appel d’offre n’y étant pas (encore ?) opérationnel, mais nous connaissons le même ensoleillement que l’Allemagne.
En Argentine, en novembre 2017, la production onshore s’est vendu à 34€/MWh lors d’un appel d’offre (665 MW octroyés) :
Fin août, lors de son second appel d’offre, l’Allemagne octroyait 1.013 MW à 42,8€/MWh en moyenne. Soit une diminution de 25% par rapport au 1er appel d’offre lancé début 2017 (lire également notre article La transition énergétique allemande est-elle toujours citoyenne ?).
Nous n’avons pas de chiffres équivalents pour la Belgique, le système d’appel d’offres n’y étant pas (encore ?) opérationnel.
L’éolien offshore a également vu ses coûts diminuer de manière vertigineuse.
En Allemagne, le prix de l’offshore est tombé à 60€/MWh sur 20 ans. Sans compter les 3 parcs offshore « gratuits » (vendus à 0€/MWh donc sans aucunes formes de subsides) et qui constituent d’avantage une opération commerciale, un pari sur l’avenir et une opération unique (voir tableau ci-dessous).
En Belgique, l’éolien offshore est la seule technologie à fonctionner par système d’enchères. Les dernières concessions (2.716 MW) ont été attribuées à un prix de 79€/MWh en ce milieu d’année. Comparé aux 138€/MWh précédemment octroyés dans cette zone, il s’agit d’une diminution de 43% (lire notre article L’éolien offshore belge à moitié prix).
Les centrales solaires thermodynamiques à concentration, qui concentrent les rayons solaires pour produire de l’électricité, ont également battu un record de prix en 2017 : les coûts de production ont été divisés par 2 en un an, pour atteindre environ 40€/MWh.
Cette technologie est d’autant plus intéressante et rentable qu’elle permet un stockage de chaleur et donc une production d’électricité 24h/24h, même quand il n’y a plus de soleil, ce qui lui confère une valeur économique plus élevée que le photovoltaïque.
Le coût est cependant fortement corrélé à l'ensoleillement (besoin impératif de rayonnement direct). Ces centrales trouvent dès lors toute leur pertinence au sud de l’Europe et au Moyen-Orient. L’Espagne et les Etats-Unis sont leaders sur ce marché.
Ces chiffres sont remarquables à plusieurs égards :
Mi 2017, Bloomberg publiait un graphique sur la compétitivité des différentes productions d'énergie dans la zone EMEA (Europe Middle East & Africa). L’APERe a mis à jour ce graphique, en orange ci-dessous, en considérant les prix moyens fin 2017 pour la Belgique en éolien offshore et pour l’Allemagne en solaire et éolien onshore.
Notons une diminution notable pour le photovoltaïque au sol (PV untracked) et l’éolien offshore ces 6 derniers mois et la compétitivité de l’éolien onshore et du photovoltaïque au sol par rapport aux autres moyens de production.
Pas plus que d’autres, nous n’avons de boule de cristal. Il y a cependant certains éléments à mettre en avant qui nous font croire que les coûts de production vont continuer de baisser.
Nous pourrions débattre longuement cet argument en considérant qu’il est creux car le réseau doit, de toute manière et peu importe les choix de production, être entretenu et renouvelé. De plus des surinvestissements lié à des extensions physiques de ce réseau pourraient ne pas être nécessaires, voire compensés par de nouvelles économies car :
Mais nous ne le ferons pas tout simplement parce que les coûts de réseau (comme les coûts des déchets solides ou gazeux) ne sont pas répercutés sur les autres moyens traditionnels de production et que l’honnêteté intellectuelle nous recommande de comparer des choses comparables.
Dans un cas comme dans l’autre, le réseau est un élément indispensable de notre équilibre technique énergétique et un élément de solidarité à maintenir (illustration ci-dessous)
Quant à la manière de le financer ? Cela relève d’un choix politique de société, le réseau pouvant simplement être financé par notre feuille d’impôt si nous le souhaitons. Cette question n’est pas automatiquement corrélée avec les technologies de production, si nous nous autorisons à penser autrement que « nous avons toujours fait comme cela ».
Il est ici utile de rappeler que la future (?) nouvelle centrale nucléaire de Hinkley point (Royaume Uni) vendra son électricité à 116€/MWh pendant 35 ans à partir de … 2027, si tout va bien – les retards de chantier et les coûts ne cessant d’augmenter depuis plusieurs années.
Toutes les observations le montrent également : le nucléaire est la seule technologie dont les coûts ne font qu’augmenter avec le temps.
Par contre, depuis 2017, une chose est certaine : le solaire et l’éolien sont désormais plus compétitifs que les productions classiques.